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Page:Thoreau - Walden, 1922.djvu/71

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déclinai l’offre, préférant m’essuyer les pieds sur l’herbe devant ma porte. Mieux vaut éviter le mal à son début.

Il n’y a pas longtemps, j’assistais à la vente des effets d’un diacre, attendu que sa vie n’avait pas été inefficace :

The evil that men do lives after them.[1]

Comme toujours, la friperie dominait, qui avait commencé à s’accumuler du vivant du père. Il y avait dans le tas un ver solitaire desséché. Et voici qu’après être restées un demi-siècle dans son grenier et autres niches à poussière, ces choses n’étaient pas brûlées ; au lieu d’un autodafé ou de leur purifiante destruction, c’était d’une vente à l’encan qu’il s’agissait, ou de leur mise en plus-value. Les voisins s’assemblèrent avec empressement pour les examiner, les achetèrent toutes et soigneusement les transportèrent en leurs greniers et niches à poussière, pour y rester jusqu’au règlement de leurs biens, moment où de nouveau elles se mettront en route. L’homme qui meurt chasse du pied la poussière.

Les coutumes de quelques tribus sauvages pourraient peut-être se voir imitées avec profit par nous ; ainsi lorsque ces tribus accomplissent au moins le simulacre de jeter au rebut annuellement leur dépouille[2]. Elles ont l’idée de la chose, qu’elles en aient la réalité ou non. Ne serait-il pas à souhaiter que nous célébrions pareil « busk » ou « fête des prémices », décrite par Bartram comme ayant été la coutume des Indiens Mucclasse ? « Lorsqu’une ville célèbre le busk, » dit-il, « après s’être préalablement pourvus de vêtements neufs, de pots, casseroles et autres ustensiles de ménage et meubles neufs, ses habitants réunissent leurs vêtements hors d’usage et autres saletés, balaient et nettoient leurs maisons, leurs places, la ville entière, de leurs immondices, dont, y compris tout le grain restant et autres vieilles provisions, ils font un tas commun qu’ils consument par le feu. Après avoir pris médecine et jeûné trois jours, on éteint tous les feux de la ville. Durant le jeûne on s’abstient de satisfaire tout appétit, toute passion, quels qu’ils soient. On proclame une amnistie générale ; tous les malfaiteurs peuvent réintégrer leur ville. »

« Le matin du quatrième jour, le grand prêtre, en frottant du bois sec ensemble, produit du feu neuf sur la place publique, d’où chaque habitation de la ville est pourvue de la flamme nouvelle et pure. »

Alors ils se régalent de maïs et de fruits nouveaux, dansent et chantent

  1. Shakespeare, Jules César. Trad. : « Le mal que font les hommes leur survit. »
  2. À Palerme, dans chaque quartier, a lieu encore annuellement un feu de joie alimenté des meubles et ustensiles de rebut dont se débarrassent les habitants.