Page:Thsien-Tseu-Wen - Traduction Stanislas Julien, Duprat, 1864.djvu/8

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mains de tous les enfants, et qui leur sert pour apprendre, en même temps, à lire et à écrire. En effet, on leur en confie le texte, imprimé en rouge ou en caractères à jour, qu’ils n’ont plus qu’à couvrir d’encre à l’aide d’un petit pinceau. La répétition quotidienne de cet exercice leur donne toute la facilité nécessaire pour écrire, plus tard, tous les autres caractères de la langue chinoise.

Le Livre des mille mots offre un autre avantage non moins important. Comme il est disposé dans un ordre méthodique, qui embrasse les connaissances élémentaires les plus essentielles aux enfants, quiconque l’a lu, copié et appris par cour, en retenant les petites gloses qui accompagnent les éditions classiques, possède déjà un bon nombre de notions exactes sur l’histoire, la géographie, la littérature, la morale, les devoirs et les vertus domestiques, etc.

Mais, tout en faisant l’éloge de ce petit ouvrage, je ne puis m’empêcher d’y signaler un grave défaut qui tient à la manière dont il a été composé, bien plus qu’à la nature de la langue chinoise. En effet, après avoir lu le mot à mot de certains paragraphes et leur paraphrase française fondée sur des explications traditionnelles, on est souvent frappé de l’obscurité du texte, et l’on serait tenté de croire que les livres chinois doivent être inintelligibles s’ils sont tous écrits dans le même style. Rien n’est plus vrai que l’obscurité de ce livre, mais l’on se tromperait étrangement si l’on en tirait d’aussi sévères conclusions. Qu’on se souvienne d’abord qu’il a été formé de mots pris au hasard dans un grand ouvrage, qu’on les a classés de la manière qui a paru la plus rationnelle pour leur donner un sens plausible, et que, en s’abstenant de répéter chaque mot, on a supprimé les verbes auxiliaires, les marques de temps et les particules qui auraient pu contribuer à la clarté du texte. Qu’on se figure ce que serait un texte français composé de mille mots, employés une seule fois, et où l’on aurait supprimé les articles, les pronoms et les auxiliaires, en laissant tous les verbes à l’infinitif ! Ajoutons, enfin, que l’auteur a rarement pu donner aux caractères les valeurs de position qui déterminent leur rôle, et suivre, dans la construction de la phrase, les règles que prescrit, partout ailleurs, la logique grammaticale. Dans beaucoup de cas, il a été assez heureux pour assembler les mots de manière à faire un sens : par