Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/278

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général syracusain, s’opposait à cet arrangement ; pour Théramène, qui n’était pas commandant de la flotte, et qui ne se trouvait de l’expédition que pour remettre les vaisseaux à Astyochus, il traitait mollement l’affaire de la solde. On convint cependant qu’il serait donné plus de trois oboles par tête, en comptant cinq vaisseaux de plus que n’en composait la flotte ; car Tissapherne paya pour cinquante cinq vaisseaux trois talens[1] par mois, et pour ce qu’il pouvait y avoir de plus que ce nombre, il donnait une somme proportionnée.

XXX. Le même hiver, les Athéniens qui étaient à Samos reçurent de leur pays un renfort de trente-cinq vaisseaux, commandés par Charminus, Strombichide et Euctémon. Ils rassemblèrent tous ceux de Chio, et tous les autres qu’ils purent se procurer, et résolurent de bloquer Milet par mer, d’envoyer à Chio une armée de terre et une flotte, et de tirer ces entreprises au sort. Ce dessein fut exécuté. Strombichide, Onomaclès et Euctémon furent les commandans à qui échut l’affaire de Chio. Ils s’y portèrent avec trente vaisseaux, et embarquèrent, sur des bâtimens destinés au transport des troupes, une partie des mille hoplites qui avaient été à Milet. Les autres restèrent à Samos ; ils tenaient la mer avec soixante et quatorze vaisseaux, et faisaient des courses sur Milet.

XXXI. Astyochus, qui se trouvait alors à Chio, s’y faisait remettre des otages de son choix dans la crainte d’une trahison ; mais il abandonna cette opération quand il apprit que la flotte aux ordres de Théramène allait arriver, et que les affaires des alliés se trouvaient en meilleur état. Il prit dix vaisseaux du Péloponnèse, et autant de Chio, et mit en mer. Il attaqua Ptéléon, ne put le prendre, et fît voile pour Clazomènes. Là, il donna ordre aux partisans d’Athènes de se transporter à Daphnonte et d’embrasser le parti de Lacédémone. Les mêmes ordres étaient donnés par Tamos, Hyparque d’Ionie. On n’obéit pas, et il attaqua la place qui n’était pas murée. Cependant il ne put la soumettre, et remit en mer par un gros temps. Lui-même relâcha à Phocée et à Cumes ; et le reste des vaisseaux, dans les îles voisines de Clazomènes, Marathuse, Pelé, Drimysse. Retenus huit jours dans ces îles par les vents contraires, ils détruisirent et consommèrent en partie ce que les habitans de Clazomènes y avaient déposé, embarquèrent le reste, et allèrent rejoindre Astyochus à Phocée et à Cumes.

XXXII. Ce fut là que ce commandant reçut des envoyés de Lesbos qui avaient intention de se soulever. Ils lui firent goûter leur projet : mais comme les Corinthiens et les autres alliés ne montraient que de la répugnance pour cette entreprise, parce qu’ils avaient eu déjà le désagrément d’y échouer, il mit en mer pour Chio. Sa flotte fut battue de la tempête, et ses vaisseaux dispersés y arrivèrent enfin de divers endroits. Pédarite y passa plus tard : il était sorti par terre de Milet, s’était arrêté à Érythres, et avait fait la traversée avec ses troupes. Il amenait aussi, des cinq vaisseaux de Chalcidée[2], un nombre d’environ cinq cents soldats, que ce général avait laissés avec leurs armes. Sur l’avis que quelques habitans de Lesbos songeaient à se soulever, Astyochus représenta à Pédarite et aux habitans de Chio qu’il fallait conduire une flotte à Lesbos et favoriser cette disposition ; que ce serait augmenter le nombre de leurs alliés, ou faire au moins du mal aux Athéniens, si l’on n’avait pas d’autres succès ; mais il ne fut pas écouté. Pédarite dit même qu’il ne lui re mettrait pas la flotte de Chio.

XXXIII. Astyochus prit cinq vaisseaux de Corinthe, un de Mégare, un d’Hermione, et ceux de la Laconie qu’il avait amenés, et partit pour Milet où il avait le commandement de la flotte, faisant aux habitans de Chio de fortes menaces, et protestant qu’il ne viendrait point à leur secours s’ils en avaient besoin. 11 relâcha à Coryce dans l’Érythrée et y campa. Les Athéniens, qui passaient de Samos à Chio avec leur armée, mirent aussi à l’ancre de l’autre côté d’un tertre qui séparait les deux flottes ennemies ; elles ne s’aperçurent pas l’une l’autre. Il reçut avis de Pédarite que les Érythriens prisonniers, relâchés par les Samiens pour tramer une trahison dans leur patrie, s’y rendaient à dessein d’exécuter ce complot. Il retourna aussitôt à Érythres, et sans cela, il allait tomber au milieu des Athéniens. Pédarite vint le joindre ; ils firent ensemble des recherches sur la prétendue conspira-

  1. Seize mille deux cents livres.
  2. L’auteur a déjà dit plusieurs fois que Chalcidée avait été envoyé de Lacédémone à Chio, avec cinq navires.