Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/279

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tion, et ayant trouvé que ce n’était qu’un prétexte que ces hommes avaient pris pour se sauver de Samos, ils les déchargèrent d’accusation et partirent, Pédarite pour Chio, et Astyochus pour Milet, comme il en avait eu d’abord le dessein.

XXXIV. Cependant l’armée d’Athènes, sortie de Coryce sur la flotte, fit, en côtoyant Arginum, la rencontre de trois vaisseaux longs de Chio : elle ne les eut pas plus tôt aperçus, qu’elle se mit à leur poursuite. Une grande tempête s’éleva : les vaisseaux de Chio se réfugièrent avec peine dans le port. Quant à ceux des Athéniens, les trois qui s’étaient le plus avancés, se brisèrent et allèrent échouer près de la ville ; une partie des équipages fut prise, le reste égorgé ; les autres vaisseaux se sauvèrent dans un port qu’on appelle Phœniconte, et qui est au-dessous de Mimante. De là, ils passèrent à Lesbos, et travaillèrent à se retrancher.

XXXV. Hippocrate de Lacédémone passa le même hiver du Péloponnèse à Cnide, qui déjà s’était détaché du parti de Tissapherne. Il était parti, lui troisième, avec dix vaisseaux de Thurium qu’avait commandés Doriée, fils de Diagoras, avec deux autres généraux : il y avait aussi un vaisseau de Laconie, et un de Syracuse. Quand on apprit à Milet son expédition, on le pria de n’employer que la moitié de ses bâtimens à la garde de Cnide, et d’aller, avec ceux qui étaient autour de Triopium, protéger une flotte marchande qui venait de l’Égypte. Triopium est un promontoire de la Cnidie ; il est consacré à Apollon. Les Athéniens, informés de ces circonstances, partirent de Samos et prirent les six vaisseaux qui étaient de garde à Triopium : les hommes leur échappèrent. Ils cinglèrent ensuite à Cnide, donnèrent un assaut à la ville qui n’est pas murée, et peu s’en fallut qu’ils ne s’en rendissent maîtres. Ils en donnèrent un second le lendemain ; mais on avait employé la nuit à se mettre en meilleur état de défense, et les hommes échappés à Triopium s’étaient jetés dans la place. Les assiégeant firent moins de mal aux ennemis que la veille, ils se répandirent dans la campagne, la ravagèrent et retournèrent à Lesbos.

XXXVI. A la même époque, quand Astyochus vint trouver la flotte à Milet, les Péloponnésiens étaient encore bien munis de tout ce qu’exigeaient les besoins de l’armée. Le subside qui leur était accordé suffisait à leur solde ; il restait aux soldats de grandes richesses qu’ils avaient pillées à Iasos, et les Milésiens supportaient avec zèle le fardeau de la guerre. Cependant les Péloponnésiens trouvaient défectueux le premier traité fait entre Tissapherne et Chalcidée ; il leur semblait que ce n’était pas eux qui en tiraient le plus grand avantage. Ils en firent un autre qui fut dirigé par Théramène. En voici la teneur :

XXXVII. « Suivant l’accord fait entre les Lacédémoniens et les alliés d’une part, et le roi Darius, les enfans de ce prince, et Tissapherne de l’autre, il y aura paix et amitié entre eux aux conditions suivantes :

« Toutes les contrées et les villes qui appartiennent au roi, ou qui ont appartenu à son père ou à ses ancêtres, ne seront exposées à la guerre ni à aucun dommage de la part des Lacédémoniens ni des alliés des Lacédémoniens.

« Les Lacédémoniens ni les alliés des Lacédémoniens, ne pourront lever sur ces villes aucun tribut.

« Le roi Darius, ni ceux à qui ce roi commande, ne marcheront en guerre contre les Lacédémoniens ni les alliés des Lacédémoniens, et ne leur causeront aucun dommage.

« Si les Lacédémoniens et leurs alliés font quelque demande au roi ou le roi aux Lacédémoniens et à leurs alliés, et qu’ils parviennent à l’obtenir les uns des autres, ce qu’ils feront sera bien fait.

« Ils feront ensemble en commun la guerre aux Athéniens et à leurs alliés.

« S’ils concluent la paix, ce ne sera non plus qu’en commun.

« Toute armée qui pourra se trouver sur les terres du roi et qu’il aura mandée, sera payée aux frais du roi.

« Si quelqu’une des villes qui ont un traité avec le roi, marchait contre la domination de ce prince, les autres s’opposeraient à cette entreprise, et défendraient le roi de toute leur puissance.

« Si quelque ville de la domination du roi, ou soumise à son empire, marchait contre le territoire des Lacédémoniens ou contre celui des Lacédémoniens ou contre celui des alliés, le roi s’y opposerait et le défendrait de toute sa puissance. »