Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/310

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chargèrent les avant-coureurs qu’ils trouvèrent dispersés ; mais bientôt survinrent les peltastes et deux cohortes d’hoplites, qui tuèrent presque tous ces Milésiens, remportèrent deux cents boucliers et dressèrent un trophée.

Le lendemain, il cingla vers Notium, s’y rafraîchit, et fit voile vers Colophone. Les habitans de cette ville embrassèrent son parti. La nuit suivante, il descendit en Lydie : c’était le temps de la moisson ; il y brûla plusieurs villages, en leva de l’argent, des esclaves et beaucoup d’effets. Un Perse, nommé Stagès, qui se trouvait dans ce pays, voyant les Athéniens dispersés et butinant chacun pour son compte, se mit en campagne avec sa cavalerie, en tua sept et fit un prisonnier.

De là, Thrasyle se rembarqua, comme pour attaquer Éphèse. Tissapherne, devinant son projet, rassembla des forces imposantes et dépêcha des cavaliers pour sonner l’alarme et appeler les peuples circonvoisins au secours d’Artémis à Éphèse.

Ce fut dix-sept jours après son irruption en Lydie, que Thrasyle fit voile vers Éphèse. Il débarqua ses hoplites près du mont Coresse ; sa cavalerie, ses peltastes, ses épibates et autres, près d’un marais situé au nord de la ville ; et au point du jour, il fit marcher ses deux armées. Les Éphésiens de leur côté, les troupes alliées que Tissapherne avait amenées, les Syracusains, tant ceux précédemment arrivés avec vingt vaisseaux, que ceux qui abordaient tout récemment avec cinq autres commandés par Euclès, fils d’Hippon, et par Héraclide, fils d’Aristogène ; en outre, deux vaisseaux sélinontins ; toutes ces forces réunies attaquèrent d’abord les hoplites campés à Coresse, les mirent en déroute, en tuèrent environ cent, poursuivirent les fuyards jusqu’à la mer, puis s’avancèrent contre les troupes postées au nord. Les Athéniens prirent la fuite ; il en périt trois cents. Les Syracusains et les Sélinontins avaient fait des prodiges de valeur. Après avoir dressé deux trophées, l’un près du marais, l’autre à Coresse, les Éphésiens distribuèrent des prix publiquement et en particulier, avec droits de cité et d’atélie pour ceux qui le désireraient. Le droit de cité fut accordé aux Sélinontins à cause de la ruine de leur ville.

Les Athéniens ayant emporté leurs morts à la faveur d’une trève, reprirent la route de Notium, où ils les enterrèrent, puis firent voile vers Lesbos et l’Hellespont. Mais comme ils entraient au port de Méthymne, dans Lesbos, ils aperçurent les vingt-cinq galères syracusaines ; ils s’avancèrent en pleine mer, en prirent quatre avec les hommes qui les montaient, et poursuivirent le reste jusqu’à Éphèse, d’où elles étaient parties. Les prisonniers furent envoyés à Athènes, à la réserve d’un Athénien, cousin d’Alcibiade, du même nom que lui, et exilé avec lui : Thrasyle le mit en liberté.

Il alla ensuite à Seste rejoindre le reste de la flotte ; de la il passa, avec ses forces réunies, à Lampsaque. On était au commencement de l’hiver où les prisonniers syracusains enfermés dans les carrières du Pirée s’évadèrent de nuit en les perçant, et se réfugièrent les uns à Décélie, les autres à Mégare.

Alcibiade rangeait en ordre toute l’armée recueillie à Lampsaque ; ses soldats ne voulaient point étre mêlés à ceux de Thrasyle : ils étaient vainqueurs, les autres arrivaient vaincus. Ils prirent là tous ensemble leurs quartiers d’hiver, et, après avoir fortifié la place, voguèrent contre Abyde, où Pharnabaze se rendit avec une cavalerie nombreuse. Un combat fut livré : Pharnabaze, vaincu, prit la fuite. Alcibiade, avec sa cavalerie et cent vingt hoplites commandés par Ménandre, poursuivit l’ennemi jusqu’à ce que les ténèbres sauvèrent les fuyards.

Après cette action, les soldats de Thrasyle et d’Alcibiade s’embrassèrent et vécurent depuis en bonne intelligence. Il se fit, cet hiver, diverses excursions sur le continent d’Asie ; on ravagea le territoire du grand roi. Dans le même temps, les Lacédémoniens composèrent avec les hilotes qui s’étaient retirés de Malée à Coryphasie : dans le même temps aussi, les Achéens abandonnèrent lâchement, dans un combat contre les Étéens, la Trachinienne Héraclée. Cette peuplade, d’origine lacédémonienne, perdit sept cents hommes avec l’harmoste Labotas, envoyé par la métropole pour les commander. Ainsi finit cette même année où les Mèdes révoltés rentrèrent sous la domination de Darius, roi de Perse.