Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/309

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néraux, se révolter contre son pays : si l’on nous accuse, vous prendrez notre défense ; vous vous rappellerez combien de batailles navales vous avez gagnées seuls et sans secours, combien de vaisseaux vous avez pris, combien de fois vous avez vaincu avec vos alliés conduits par nous, suivant toujours l’ordre de bataille le plus vigoureux, toujours supérieurs par votre vaillance et votre intrépidité, sur terre et sur mer. Comme on ne trouvait rien que de vrai dans ce qu’ils disaient, ils restèrent jusqu’à l’arrivée de Démarchus, fils de Pidocus, de Myscon, fils de Ménécrate, et de Potamis, fils de Gnosias, qui les remplaçaient. Les triérarques jurèrent aux généraux qu’ils les feraient rappeler dès qu’ils seraient de retour à Syracuse ; et après les avoir tous comblés d’éloges, ils leur permirent de se retirer où ils voudraient.

Hermocrate, homme exact, courageux et populaire, était surtout regretté de ceux qu’il admettait à son intimité. Tous les jours, soir et matin, il invitait à sa tente ceux des triérarques, des pilotes et des épibates qui se distinguaient par leur bonne conduite, et leur communiquait ce qu’il se proposait de dire ou de faire dans l’assemblée. Il se plaisait à les instruire, il exigeait d’eux qu’ils parlassent tantôt sur-le-champ, tantôt après s’être préparés : aussi était-il estimé dans le conseil ; ses avis, ses idées, semblaient toujours les meilleurs. Après avoir accusé Tissapherne à Lacédémone, appuyé du témoignage d’Astyochus, et voyant son accusation accueillie, il se retira vers Pharnabaze, qui lui donna de l’argent avant même qu’il en demandât. Il leva donc des troupes et équipa des galères pour retourner dans sa patrie, tandis que les succès des généraux syracusains arrivaient à Milet et prenaient le commandement des troupes et des galères.

Il y eut alors sédition dans Thase, d’où les partisans de Lacédémone furent chassés avec leur hasmote Étéonice. Le Lacédémonien Pasippidas, accusé d’avoir favorisé cette trahison, d’intelligence avec Tissapherne, fut banni de Sparte. On envoya Cratésippidas commander à sa place une flotte de troupes alliées, qu’il avait rassemblées a Chio.

Dans le même temps, Agis courut de Décélie fourrager jusqu’aux portes d’Athènes : Thrasyle, qui était resté dans cette ville, fit sortir tout ce qui s’y trouva d’habitans et d’étrangers, et les rangea en bataille prés du Lycée, pour combattre l’ennemi s’il approchait. Le général lacédémonien, déconcerté par cette mesure, se retira promptement, après avoir eu quelques hommes tués à la queue de son arrière-garde, par les troupes légères de l’ennemi. Ce coup de main dispose les esprits en faveur de Thrasyle : les Athéniens accueillirent sa demande, et décrétèrent qu’il lui serait accordé mille hoplites, cent chevaux et cinquante trirèmes.

Cependant Agis, voyant de Décélie plusieurs vaisseaux chargés de grains aller au Pirée, considéra qu’en vain ses troupes coupaient aux Athéniens le commerce de terre, si on ne leur fermait toute communication par mer ; qu’il était donc important d’envoyer à Chalcédoine et à Byzance Cléarque, fils de Ramphius, proxène des Byzantins.

Cette résolution approuvée, il partit avec quinze vaisseaux que lui équipèrent les Mégariens et les autres alliés. Mais comme ces vaisseaux étaient plus propres à porter des soldats que prompts à la voile, il en périt trois dans l’Hellespont, coulés à fond par neuf vaisseaux athéniens, qui observaient toujours ces parages : les autres relâchèrent à Seste, d’où ils se sauvèrent à Byzance.

Ainsi finit cette année où les Carthaginois envoyerent cent mille combattans en Sicile, sous le commandement d’Annibal, qui, en trois mois, prit deux villes grecques, Himère et Sélinonte.


CHAPITRE II.


L’année suivante, c’est-à-dire en la quatre-vingt-treizième Olympiade, où l’Éléen Évagoras et le Cyrénéen Eubotas vainquirent, l’un à la course jusqu’alors inconnue du char attelé de deux chevaux, l’autre dans le stade, sous l’éphorat d’Évarchippe à Sparte, et sous l’archontat d’Euctémon à Athènes, les Athéniens fortifièrent le Thorique ; et Thrasyle, avec la flotte qui lui était destinée, et cinq mille matelots armés à la légère, fit voile vers Samos au commencement de l’été. Après y avoir demeuré trois jours, il vogua vers Pygèle, dont il ravagea le territoire, puis assiégea la ville. Quelques troupes milésiennes accourues au secours des Pygéliens,