beaucoup de peine à faire sa retraite ; les Barbares tombaient sur eux dans les chemins et en détruisirent la plus grande partie.
Les vaisseaux qui avaient pris terre à Messine se séparèrent et regagnèrent leurs ports, et aussitôt les Léontins et leurs alliés, conjointement avec les Athéniens, profitèrent de la consternation de Messine pour l’attaquer. La flotte athénienne battait le port, et les troupes de terre la ville ; mais les Messiniens firent une sortie avec quelques Locriens aux ordres de Démotèle, qui, après leur échec, étaient restés en garnison dans la place. Ils surprirent les ennemis, mirent en fuite la plus grande partie des Léontins, et tuèrent beaucoup de monde. Les Athéniens, voyant le désastre de leurs alliés, descendirent de leurs vaisseaux, coururent à leur secours, tombèrent sur les Messiniens qui étaient en désordre, et les poursuivirent jusqu’à la ville. Ils retournèrent à Rhégium, après avoir dressé un trophée. Depuis cette époque, les Grecs de Sicile continuèrent par terre leurs hostilités les uns contre les autres, sans que les Athéniens y prissent part.
XXVI. Ceux-ci continuaient à Pylos de tenir les Lacédémoniens assiégés dans l’île de Sphactérie, et les troupes du Péloponnèse de camper sur le continent. C’était pour les Athéniens une garde bien laborieuse par la disette d’eau et de vivres. Ou n’avait qu’une source dans la citadelle même, et elle n’était pas abondante. La plupart creusaient le sable sur le bord de la mer, et l’on peut s’imaginer quelle boisson ils puisaient. Resserrés dans un petit espace, ils étaient campés à l’étroit : leurs vaisseaux, qui manquaient de rade sûre, allaient tour à tour chercher des vivres et se mettre en station. Ce qui les affligeait surtout, c’était la longueur du siège. Ils ne s’y étaient pas attendus et avaient cru devoir, en quelques jours, forcer des gens renfermés dans une île déserte et réduits à boire de l’eau saumâtre ; mais c’est que les Lacédémoniens avaient invité, par une proclamation, à porter dans l’île de la farine, du vin, du fromage et toutes les subsistances nécessaires à des troupes assiégées. Ils avaient taxé à un haut prix ces objets, et promis la liberté à ceux des Hilotes qui se chargeraient de les transporter. Bien des gens se livraient à ces hasardeuses entreprises, et surtout des Hilotes qui partaient de tous les points du Péloponnèse et gagnaient de nuit la côte de l’île qui regarde la haute mer Ils guettaient avec soin un vent favorable, et quand le vent de mer soufflait, comme alors les vaisseaux de garde ne pouvaient rester en station, il leur était facile d’échapper. D’ailleurs, contens d’aborder, ils ne songeaient pas à ménager leurs batimens : comme on leur tenait compte de ce qu’ils valaient, ils les faisaient échouer. Des hoplites faisaient le guet aux endroits praticables de la côte. Dans les temps où la mer était bonne, ces rafraichissemens ne manquaient pas d’être interceptés. Il y avait aussi des plongeurs qui traversaient le port entre deux eaux, tirant après eux, avec un câble, des outres pleines de têtes de pavots au miel et de graine de lin pilée. Ils passèrent d’abord sans être aperçus, mais on mit ensuite des sentinelles pour les observer. Il n’était pas, des deux côtés, d’artifice qu’on n’employât, soit pour introduire des vivres dans l’île, soit pour s’opposer à ce transport.
XXVI.[1] Quand on apprit à Athènes que l’armée souffrait et qu’il passait dans l’île des subsistances, on ne sut quel parti prendre. On craignait que la garnison ne fût surprise par l’hiver ; on voyait que dans un lieu désert il lui serait impossible de tirer des munitions des environs du Péloponnèse, puisque, même en été, on ne pouvait s’en procurer suffisamment ; que d’ailleurs, faute de bonne rade, les vaisseaux ne pourraient tenir à l’ancre, et qu’enfin les hommes de l’île trouveraient moyen d’y subsister, parce que la garde se ferait avec plus de négligence, ou que mettant à profit de gros temps, ils échapperaient sur les vaisseaux qui leur apportaient des vivres. Ce qu’on appréhendait surtout, c’était que les Lacédémoniens rassurés n’entamassent plus de négociations, et l’on se repentait de n’avoir pas traité avec eux.
Cléon, sachant que c’était à lui qu’on reprochait d’avoir empêché l’accord, assura que toutes les nouvelles qu’on recevait étaient fausses. Ceux qui les avaient apportées demandaient, si l’on refusait de les croire, qu’en envoyât des gens qui vissent les choses par leurs yeux. On choisit, pour cette commission, Cléon lui-même,
- ↑ Septième année de la guerre du Péloponnèse, quatrième année de la quatre-vingt-huitième olympiade, quatre cent vingt-cinq ans avant l’ère vulgaire. Fin de juillet, ou commencement d’août.