Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/141

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tât des vivres pour tant de monde. Il exhorta les Athéniens à redoubler de zèle, comme n’ayant point à le disputer contre des forces peu imposantes ; et l’île étant devenue d’un abord plus facile, il résolut de l’attaquer. Il envoya demander des secours aux alliés voisins et il faisait les autres dispositions, quand Cléon lui manda qu’il s’approchait et lui amenait le renfort qu’il avait sollicité. Lui-même arriva. Réunis, ils envoyèrent d’abord au camp du continent un héraut demander si l’on voulait terminer cette affaire sans courir de hasards, en ordonnant aux gens de l’île de se livrer aux Athéniens, eux et leurs armes. On ajoutait qu’ils auraient une garde, mais qu’ils seraient traités avec douceur, jusqu’à ce qu’on pût parvenir a un traité définitif.

XXXI. Cette proposition ne fut pas acceptée. On fut un jour sans agir ; le lendemain les Athéniens firent monter, pendant la nuit, tous les hoplites sur de petits batimens, et partirent. Un peu avant l’aurore, ils entrèrent dans l’île de deux côtés : de celui de la haute mer et de celui du port. Ils étaient au nombre d’environ huit cents hoplites. Ils s’avancèrent, en courant, sur les premières gardes.

Voici quelle était la position des Lacédémoniens. Au premier corps de garde étaient environ trente hoplites. Le corps du milieu, plus considérable que les autres, était placé à l’endroit le plus uni, et près d’une source. Épitadas, qui avait le commandement, s’y trouvait. Il avait placé un petit détachement pour garder l’extrémité de l’île en face de Pylos. Du côté de la mer, c’était une côte escarpée ; du côté de la terre, l’endroit était inexpugnable. Il s’y trouvait un vieux fort construit en pierres brutes. Les Lacédémoniens croyaient qu’il pourrait leur être utile, si des forces trop supérieures les obligeaient à chercher une retraite. Telle était leur disposition.

XXXII. I>es Athéniens égorgèrent les premières gardes qui sortaient du lit et prenaient les armes. Elles ne s’étaient pas aperçues de la descente, et avaient cru que c’était des vaisseaux qui venaient, comme à l’ordinaire, se mettre en station. Au lever de l’aurore, descendit, de plus de soixante-dix vaisseaux, le reste des troupes, toutes bien armées, suivant le genre de leur service, excepté les derniers rangs des rameurs. Il y avait huit cents archers et autant de peltastes. Les Messéniens qui étaient venus au secours partageaient cette expédition, et tout ce qui s’était rassemblé à Pylos, excepté ce qu’on avait laissé à la défense de la place.

Démosthène disposa ses troupes par corps détachés, les uns de deux cents hommes, les autres de plus ou de moins. Il leur fit prendre les postes les plus élevés, pour que l’ennemi, enveloppé de toutes parts, fût au comble de l’embarras, ne sût contre qui se défendre, et tombât dans la perplexité, par la multitude des agresseurs, qui le prendraient à dos s’il marchait en avant, et en flanc s’il se portait de l’un ou de l’autre côté. Quelque part qu’il pût s’avancer, il aurait toujours derrière lui les troupes légères, et celles qui, mal équipées, l’attaqueraient avec des traits, des javelots, des pierres et des frondes ; fortes, parce qu’elles combattaient de loin, et qu’on ne pouvait mettre en fuite, parce que leur fuite était une victoire, et leur retour terrible pour l’ennemi qui venait à céder. C’était ainsi que ce général avait conçu le plan de sa descente, et il l’exécuta.

XXXIII. Les guerriers d’Épitadas et le corps le plus considérable des Lacédémoniens, renfermés dans l’île, voyant les premières gardes égorgées, et l’ennemi s’avancer contre eux, se mirent en ordre de bataille, et marchèrent aux hoplites d’Athènes, dans le dessein d’en venir aux mains. Ils les avaient de front, et les troupes légères au dos et sur les flancs. Ils ne purent s’approcher des hoplites, ni mettre en usage la manière de combattre dont ils avaient l’expérience. De toutes parts contenus par les troupes légères qui les accablaient de traits, ils ne pouvaient s’avancer contre elles, et restaient immobiles. Ils faisaient reculer l’infanterie volante du côté où elle courait sur eux, et les serrait de plus près ; mais lestement armée et habile à prévenir par la fuite les atteintes des ennemis, elle se retournait pour se défendre, et se trouvait favorisée par l’inégalité du terrain qui n’avait jamais été fréquenté. Les Lacédémoniens ne pouvaient l’y poursuivre, gênés par le poids de leurs armes.

XXXIV. Il se passa donc quelque temps en escarmourches. Mais les Lacédémoniens n’avaient plus la force de courir du côté où on les attaquait, et les troupes légères s’aperçurent qu’ils