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Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/146

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ville. Toutes les femmes qui avaient été prises dans le fort furent réduites en esclavage. Ce fut ainsi que la faction populaire traita les Corcyréens qui s’étaient réfugiés sur la montagne ; et ces troubles, qui devenaient considérables, furent ainsi terminés, du moins autant qu’ils étaient liés à cette guerre ; car ce qui pouvait rester de la faction détruite ne mérite pas qu’on en parle. Les Athéniens partirent pour la Sicile, comme c’était leur destination, et y firent la guerre conjointement avec leurs alliés de cette île.

XLIX. Les troupes d’Athènes qui étaient à Naupacte, entrèrent en campagne avec les Acarnanes à la fin de l’été, et prirent par trahison Anactorium, ville située à l’embouchure du golfe d’Ambracie, et qui appartenait aux Corinthiens. Ceux-ci furent chassés, et les Acarnanes firent passer de toutes les parties de leur pays, des habitans dans cette place ; ils en restèrent maîtres, et l’été finit.

L. L’hiver suivant[1], Aristide, fils d’Archippus, l’un des commandans des vaisseaux que les Athéniens avaient fait partir pour lever les tributs des alliés, prit à Éion, sur le Strymon, un Perse, nommé Artapherne, envoyé du roi à Lacédémone. Il fut conduit à Athènes ; les Athéniens firent traduire les lettres dont il était porteur, et qui étaient écrites en langue assyrienne[2]. Ils y lurent en substance, entre beaucoup d’autres choses, que le roi n’entendait rien à ce que demandaient les Lacédémoniens ; qu’il avait reçu de leur part bien des ambassadeurs, et qu’aucun ne tenait le même langage ; que s’ils voulaient s’exprimer nettement, ils eussent à lui envoyer des députés avec Artapherne. Les Athéniens renvoyèrent celui-ci à Ephèse, et firent partir avec lui des ambassadeurs ; mais, vers ce temps[3], Arlaxerxès, fils de Xerxès, mourut ; les envoyés apprirent sa mort à Éphèse, et revinrent sur leurs pas.

LI. Le même hiver[4], les habitans de Chio démolirent les fortifications qu’ils venaient de construire. L’ordre leur en fut prescrit par les Athéniens qui les soupçonnaient de méditer contre eux quelques projets, malgré la foi et les assurances qu’ils avaient données de ne former aucun mauvais dessein. L’hiver finit, ainsi que la septième année de la guerre que Thucydide a écrite.

LII. Dès l’entrée de l’été suivant[5], il y eut, vers la Néoménie, une éclipse de soleil, et au commencement du même mois un tremblement de terre. Les exilés de Mitylène et du reste de Lesbos, la plupart sortis du continent, soudoyèrent et rassemblèrent des troupes auxiliaires du Péloponnèse, et prirent Rhœtium. Ils la rendirent sans y faire aucun tort pour la somme de deux mille statères de Phocée, et marchèrent ensuite contre Antandros qu’ils prirent par intelligence. Leur dessein était de délivrer toutes les autres villes qu’on nomme Actées[6], dont les Athéniens s’étaient rendus maîtres, et qui appartenaient aux Mityléniens ; mais surtout de rentrer en possession d’Antandros. Comme cet endroit était propre à l’établissement d’un chantier de vaisseaux, parce qu’il fournit du bois, et qu’il est voisin du mont Ida, ils comptaient le fortifier, en partir avec l’appareil nécessaire pour infester Lesbos qui en est à peu de distance, et s’emparer dans le continent des villes éoliennes. Telles étaient les entreprises auxquelles ils se disposaient.

LIII. Le même été[7], les Athéniens, avec soixante vaisseaux, deux mille hoplites, un peu de cavalerie, et les alliés qu’ils avaient rassemblés de Milet et de divers autres endroits, allèrent attaquer Cythère. Leurs généraux étaient Nicias, fils de Nicératus ; Nicostrate, fils de Diolropllès, et Autoclès, fils de Tolmœus. Cythère est une île adjacente à la Laconie, devant le promontoire de Malée. Les Lacédémoniens en occupent le circuit, et, chaque année, il s’y rendait de Sparte un magistrat qui avait le titre de cythérodice[8] ; ils ne manquaient jamais d’y

  1. Après le 21 septembre.
  2. C’est-à-dire en langue perse ; car les Perses furent autrefois appelés Assyriens, comme nous l’apprend le scoliaste d’Eschyle, sur le vers 84 de la Tragédie des Perses. On put leur donner ce nom quand ils eurent conquis l’empire d’Assyrie, comme ils portèrent celui de Mèdes, parce qu’ils avaient la domination de la Médie.
  3. Au mois d’octobre ou au commencement de novembre.
  4. Après le commencement de janvier et avant le 21 mars.
  5. Huitième année de la guerre du Péloponnèse, quatrième année de la quatre-vingt-huitième olympiade, quatre cent vingt-cinq ans avant l’ère vulgaire. 21 mars.
  6. Villes actées, c’est-à-dire villes côtières, villes situées sur la côte.
  7. Avant le 26 juillet.
  8. Cythérodice, c’est-à-dire juge ou magistrat de Cythère.