Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/166

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crurent que cette partie de la place était enlevée : ils prirent la fuite, et se précipitèrent du côté du rivage et sur les vaisseaux.

CXVI. Brasidas s’aperçut qu’ils avaient abandonné les remparts, et s’avançant avec son armée, il emporta aussitôt les murailles. Tous ceux qu’il prit reçurent la mort. Les Athéniens, ayant abandonné la place, se réfugièrent à Pallène sur des vaisseaux et de petits bâtimens. Lécythe renferme un temple de Minerve, et Brasidas, avant de commencer l’attaque, avait promis de donner au premier qui monterait à l’assaut trente mines d’argent. Comme il crut que dans la prise du fort il y avait eu quelque chose de surnaturel, il fit offrande des trente mines d’argent à la déesse, et quand il eut détruit Lécythe, il en changea la destination, et lui consacra le terrain tout entier. Pendant le reste de l’hiver, il répara les places qu’il avait prises, et forma des plans pour de nouvelles conquêtes. Avec cette saison finit la huitième année de la guerre.

CXVII. Dès le commencement du printemps de l’été[1], les Lacédémoniens et les Athéniens conclurent une trêve d’une année. Ceux-ci pensaient qu’avant que Brasidas parvînt à exciter aucun soulèvement chez leurs alliés, ils auraient le temps de se préparer à lui opposer de la résistance, et que d’ailleurs, si leurs affaires allaient bien, ils obtiendraient une paix de plus longue durée : ceux-là jugeant que les Athéniens éprouvaient des craintes qu’ils avaient en effet, espéraient que par la suspension de leurs maux et de leurs fatigues, ils apprendraient à désirer encore plus un repos dont ils auraient éprouvé les douceurs, qu’ils en viendraient à un accord et leur rendraient les prisonniers, pour obtenir une plus longue paix. Ils avaient surtout à cœur de les retirer pendant que la fortune favorisait encore Brasidas. Et en effet, ce qu’ils pouvaient attendre, s’il continuait à faire des progrès, c’était de rendre la fortune douteuse entre eux et leurs ennemis, de perdre leurs prisonniers, de se défendre à forces égales, et de voir par conséquent la victoire mise au hasard. Ils firent donc le traité suivant, dans lequel leurs alliés furent compris.

CXVIII. « Chacun pourra jouir à sa volonté du temple et de l’oracle d’Apollon Pythien, sans dol et sans crainte, suivant les anciens usages.

« Les Lacédémoniens sont d’accord de cet article, ainsi que les alliés. Ils engageront, autant qu’il sera possible, les Bœotiens et les Phocéens à l’accepter, et leur feront déclarer leur désir à cet égard.

« Vous et nous, et tous autres qui le voudront, suivant le droit, la justice et les anciens instituts, ferons des recherches pour découvrir les déprédateurs des trésors consacrés aux dieux.

« Les Lacédémoniens et leurs alliés conviennent que si les Athéniens font la paix, chacune des parties contractantes conservera ce qu’elle possède actuellement : nous Lacédémoniens, à Coryphasium, nous tenant entre Buphrade et Tomée ; et les Athéniens à Cythère, sans nous immiscer dans les alliances les uns des autres. Ceux qui sont à Nisée et à Minoé ne passeront pas au-delà du chemin qui va de Pyles, en côtoyant le temple de Nisus, jusqu’au temple de Neptune, et du temple de Neptune droit au pont de Minoé.

« Ni les Mégariens ni les alliés n’outrepasseront ce chemin, ni l’île que les Athéniens ont prise et qu’ils possèdent ; et ni les uns ni les autres ne s’immisceront dans leurs affaires respectives de quelque manière que ce puisse être.

« Ils conserveront tout ce qu’ils ont à Trézène et tout ce dont ils doivent jouir suivant leur traité avec les Athéniens ; ils auront l’usage de la mer qui baigne leurs côtes et celles de leurs alliés.

« Les Lacédémoniens ni leurs alliés n’auront point de vaisseaux longs, mais seulement des bâtimens à rames du port de cinq cents talens.

« Les hérauts, les députés et leurs compagnons qui seront envoyés pour prendre des mesures pacifiques, ou pour accorder les différends, voyageront sous la foi publique par terre et par mer, pour aller à Athènes et dans le Péloponnèse, et pour en revenir.

« Pendant toute la durée de la trêve, ni vous, ni nous ne recevrons les transfuges, libres ni esclaves.

« Vous et nous, nous discuterons réciproquement nos droits et déciderons à l’amiable les

  1. Neuvième année de la guerre du Péloponnèse, première année de la quatre-vingt-neuvième olympiade, quatre cent vingt-quatre ans avant l’ère vulgaire. Après le 24 mars.