Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/183

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XXXII. Vers le même temps de cet été[1], les Athéniens prirent Scione d’assaut : ils tuèrent les hommes en âge de porter les armes, réduisirent en esclavage les enfans et les femmes, et donnèrent le territoire à cultiver aux Platéens. Ils rétablirent les Déliens à Délos, se rappelant les malheurs qu’eux-mêmes avaient éprouvés à la guerre, et se croyant obligés, par une réponse du dieu, à remettre ces infortunés en possession de leur île.

Les Phocéens et les Locriens commencèrent la guerre. Les Corinthiens et les Argiens, dès lors alliés entre eux, se portèrent à Tégée, pour la soustraire à la domination de Lacédémone. Ils considéraient que c’était une portion considérable du Péloponnèse, et s’ils pouvaient se l’attacher, ils espéraient avoir le Péloponnèse tout entier. Mais les Tégéates ayant déclaré qu’ils n’entreprendraient rien contre Lacédémone, les Corinthiens, qui jusqu’alors avaient agi avec beaucoup de chaleur, montrèrent moins de penchant à brouiller. Ils appréhendaient que personne ne se joignît plus à leur faction. Ils allèrent cependant trouver les Bœotiens, et les prièrent d’entrer dans leur alliance et dans celle des Argiens, et d’agir, sur le reste, de concert avec eux. Les Bœotiens avaient une suspension d’armes de dix jours avec les Athéniens ; elle avait été conclue peu après la trêve de cinquante ans. Les Corinthiens les prièrent de les suivre à Athènes, de négocier pour eux un traité semblable, et si les Athéniens le refusaient, de renoncer eux-mêmes à celui qu’ils avaient obtenu, et de ne traiter à l’avenir que d’un commun accord. Les Bœotiens, à ces propositions, demandèrent du temps pour se déterminer sur l’alliance d’Argos. Cependant ils les accompagnèrent à Athènes ; mais ils ne purent leur obtenir la suspension d’armes de dix jours. Les Athéniens répondirent que si les Corinthiens étaient alliés de Lacédémone, ils jouissaient de la trêve. Ce refus ne put engager les Bœotiens à renoncer à la suspension d’armes, quoique les Corinthiens les pressassent de le faire, et leur reprochassent même de s’y être engagés. Il y eut d’ailleurs, sans traité, un armistice entre Corinthe et Athènes.

XXXIII. Le même été[2] les Lacédémoniens, sous la conduite de Plistoanax, fils de Pausanias, roi de Lacédémone, portèrent la guerre avec toutes leurs forces chez les Parrhasiens, en Arcadie. Ce peuple, sujet des Mantinéens, était alors dans un état de sédition, et c’était lui-même qui les appelait. Ils voulaient en même temps, s’il était possible, détruire les fortifications qu’avaient élevées les Mantinéens à Cypsélès, où ils entretenaient une garnison, quoique cette place fût située dans la campague de Parrhasia, près de la Sciritide, qui fait partie de la Laconie. Les Lacédémoniens ravagèrent le pays des Parrhasiens. Les Mantinéens remirent la garde de la ville aux Argiens, et se contentèrent d’y entretenir garnison pour leurs alliés. Ils se retirèrent, dans l’impuissance de sauver et les fortifications de Cypsélès et les villes du pays des Parrhasiens. Les Lacédémoniens mirent ceux-ci dans l’indépendance, détruisirent les murailles, et retournèrent chez eux.

XXXIV. Le même été, revinrent de Thrace à Lacédémone les guerriers qui étaient partis avec Brasidas. Ce fut Cléaridas qui les ramena après la trêve. Les Lacédémoniens décrétèrent que les hilotes qui avaient combattu avec Brasidas seraient libres, et pourraient choisir leur habitation. Mais, peu de temps après, dès lors en différends avec les Éléens, ils les placèrent à Lépréum, sur les confins de la Laconie et de l’Élide, avec les néodamodes[3]. Quant à leurs concitoyens qui avaient été pris à Sphactérie, et qui avaient rendu les armes, dans la crainte que, s’ils conservaient l’honneur, ils ne se crussent humiliés et ne tentassent quelque révolution, ils les notèrent d’infamie, quoique quelques-uns fussent déjà dans les dignités. Cette peine les privait du droit d’exercer aucune magistrature et de pouvoir acheter ni vendre, mais dans la suite on leur rendit l’honneur.

XXXV. Dans le même été[4], les Dictidiens prirent Thyssus, ville alliée d’Athènes, et située sur le mont Athos. Pendant toute cette saison, le commerce entre les Athéniens et les peuples

  1. Après le 16 avril.
  2. Fin de mai.
  3. Il y avait chez les Lacédémoniens plusieurs classes d’affranchis. Les néodamodes en étaient une. Il parait, suivant la force du mot, que c’était ceux qui avaient reçu depuis peu la liberté.
  4. Onzième année de la guerre du Péloponnèse, quatrième année de la quatre-vingt-neuvième olympiade, quatre cent vingt-un ans avant l’ère vulgaire.