Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/198

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mule du serment, et leur permettront de le prononcer[1].

« Les villes, grandes ou petites, situées dans le Péloponnèse, seront toutes libres, suivant leurs anciennes institutions.

« Si quelque puissance du dehors du Péloponnèse entre dans le Péloponnèse à main armée, les Argiens tiendront conseil avec les Péloponnésiens, et viendront au secours de la manière qui semblera la plus convenable à ces derniers.

« Les puissances alliées de Lacédémone au dehors du Péloponnèse le seront aux mêmes conditions dont jouissent les alliés de Lacédémone et ceux d’Argos, et conserveront la propriété de leur territoire.

« Les Argiens et les Lacédémoniens feront connaître à leurs alliés les conditions auxquelles ils ont traité, et si elles leur plaisent, il les leur feront partager : si les alliés y désirent quelques changemens, ils le feront connaître par une députation. »

LXXVIII. Les Argiens reçurent d’abord ces propositions, et l’armée de Lacédémone se retira de Tégée. Peu après, lorsqu’il se fut établi entre eux un commerce mutuel, les mêmes hommes qui avaient ménagé ce traité parvinrent à faire abjurer aux Argiens l’alliance de Mantinée, d’Élide et d’Athènes, et à faire conclure avec Lacédémone un traité de paix et d’alliance offensive et défensive. En voici la teneur :

LXXIX. « Il a semblé bon aux Lacédémoniens et aux Argiens qu’il y eût entre eux une paix et une alliance offensive et défensive de cinquante ans, aux conditions suivantes :

« Ils soumettront leurs différends à un jugement équitable, et dans lequel leurs droits seront également respectés, suivant les coutumes de leurs pères.

« Cette paix et cette alliance seront communes aux autres républiques du Péloponnèse. Ces républiques seront libres ; elles conserveront la propriété de leur ville et de leur territoire, et soumettront leurs différends à un arbitrage équitable.

« Les alliés de Lacédémone, hors du Péloponnèse, jouiront des mêmes droits que les Lacédémoniens, et les alliés d’Argos des mêmes droits que les Argiens, chacun conservant la propriété de ce qu’il possède.

« S’il faut faire quelque part la guerre en commun, les Lacédémoniens et les Argiens délibéreront entre eux pour prendre les mesures les plus justes sur les intérêts des alliés.

« S’il s’élève des contestations entre quelques villes situées au dedans ou au dehors du Péloponnèse, soit sur les limites, soit sur quelque autre objet, elles les mettront en arbitrage.

« Si quelque ville a des sujets de contestation avec une autre, elles auront recours au jugement de quelque autre ville qu’elles croiront impartiale entre elles.

« Les citoyens seront jugés selon les lois du pays. »

LXXX. Telle fut la paix et l’alliance que conclurent les deux peuples. Ils se restituèrent mutuellement ce qu’ils s’étaient pris a la guerre, et terminèrent tous leurs différends. Ils conduisirent dès lors les affaires en commun, et décrétèrent de ne recevoir ni message ni députation de la part des Athéniens, que ceux-ci n’eussent quitté le Péloponnèse, et abandonné les fortifications qu’ils y avaient élevées[2] : il fut aussi décrété qu’on ne ferait avec eux ni la paix ni la guerre que d’un commun accord. Ils poussèrent les autres affaires avec chaleur. Les deux puissances envoyèrent des députés dans la Thrace ; elles en adressèrent aussi à Perdiccas, dans le dessein de le faire entrer dans leur ligue. Cependant il ne renonça pas tout de suite à l’alliance d’Athènes ; mais il avait dessein de la rompre, parce qu’il voyait les Argiens lui en donner l’exemple, et qu’il tirait son origine d’Argos. Ils renouvelèrent aussi avec les Chalcidiens leurs anciens sermens, et en ajoutèrent de nouveaux. Argos fit partir des députés pour ordonner aux Athéniens d’évacuer les ouvrages d’Épidaure. Ceux-ci, se voyant en petit nombre contre de nombreuses troupes unies pour la défense du pays, firent partir Démosthène qu’ils chargèrent de ramener leurs soldats. Il arriva, feignit de vouloir les exercer hors de la forteresse à des combats gymniques, et quand toute la garnison fut sortie, il ferma les portes. Les Athéniens ayant ensuite renouvelé leur traité avec les Épidauriens, leur restituèrent ce fort.

  1. Pour entendre cet article du traité, il faut relire le paragraphe liii.
  2. Autour d’Épidaure.