Aller au contenu

Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les Sicules y vinrent pour fuir les Opiques ; ils habitaient d’abord l’Italie. On dit, et il est vraisemblable, qu’ils firent leur traversée sur des radeaux, en saisissant un vent favorable pour franchir le détroit ; peut-être ont-ils passé de quelque autre manière. Il y a encore à présent des Sicules dans l’Italie, pays qui a reçu son nom d’un certain roi des Arcades, nommé Italus. Comme ils arrivèrent en grand nombre, ils combattirent les Sicaniens, en furent vainqueurs, et les poussèrent vers les parties méridionales et occidentales de l’île. C’est par eux qu’elle prit le nom de Sicile, au lieu de celui de Sicanie. Ils en occupèrent les parties les plus fertiles. Leur immigration se fit à peu près trois cents ans avant que les Grecs passassent en Sicile. Ils possèdent encore aujourd’hui le centre de l’île et les parties tournées vers le nord.

Des Phéniciens se sont aussi logés autour de toute la Sicile ; ils se sont emparés des promontoires et des îlots adjacens pour commercer avec les Sicules. Mais quand les Grecs y eurent abordé en grand nombre, ils abandonnèrent la plus grande partie de ce qu’ils occupaient, et se réunirent pour habiter Motye, Soloïs et Panorme dans le voisinage des Élymes. Ils se confiaient en l’alliance de ces derniers, et sur ce qu’un trajet fort court sépare, en cet endroit, la Sicile de Carthage.

Tels furent les barbares qui habitèrent la Sicile, et ce fut ainsi qu’ils y formèrent des établissemens.

III. Des Chalcidiens sortis de l’Eubée, sous la conduite de Thouclès, fondateur de leur colonie, furent les premiers des Grecs qui occupèrent l’île de Naxos. Ils y élevèrent l’autel d’Apollon Archegète, qui est à présent hors de la ville : c’est sur cet autel que les Théores, quand ils viennent de Sicile, offrent leurs premiers sacrifices.

Archias, l’un des Héraclides sorti de la Corinthe, fonda Syracuse l’année suivante ; il chassa les Sicules d’une île qui a cessé d’en être une, et qui forme aujourd’hui la partie intérieure de la ville : la partie extérieure, réunie à l’autre par un mur, est, avec le même temps, devenue fort peuplée.

Thouclès et les Chalcidiens partirent de Naxos cinq ans après la fondation de Syracuse, firent la guerre aux Sicules, les chassèrent, et fondèrent Léontium, et ensuite Catane. Ce fut Évarque que choisirent les Cataniens eux-mêmes pour fonder leur colonie.

IV. Dans le même temps, Lamis amena aussi de Mégare une colonie, arriva en Sicile, et fonda au-dessus du fleuve Pantacie un endroit que l’on nomme Trotile[1] : il en sortit ensuite et partagea quelque temps avec les Chalcidiens l’administration de Léontium ; mais chassé par eux, il alla fonder Thapsos. Il y mourut ; ceux qu’il y avait amenés en furent bannis, et ils y fondèrent la ville de Mégare, qu’on nomme Hybléenne, sous la conduite d’Hyblon, roi des Sicules, qui trahit son pays. Ils occupèrent cette ville pendant le cours de deux cent quarante-cinq ans, et ils en furent chassés, et de tout le pays, par Gélon, tyran de Syracuse. Mais, avant leur expulsion, et cent ans après leur établissement, ils avaient envoyé Pammilus fonder Sélinonte ; il sortit de Mégare qui était leur métropole, pour établir cette colonie.

Ce furent Antiphème de Rhodes, et Entime de Crète qui amenèrent les habilans de Géla, et en firent la fondation en commun, quarante-cinq ans après celle de Syracuse. Le nom de cette ville lui vient du fleuve de Géla. L’endroit où elle est aujourd’hui, et qui fut le premier entouré d’un mur, se nomme Lindies. On donna aux habilans les lois et les coutumes des Doriens.

Environ cent huit ans après leur établissement, ceux de Géla fondèrent Agrigente, qu’ils appelèrent ainsi du fleuve qui porte le même nom. Ce fut Aristonoüs et Pystile qu’ils instituèrent fondateurs de cet établissement, auquel ils donnèrent les lois de Géla.

Zanclé dut sa première fondation à des brigands de Cyme, ville de la Chalcide, dans la campagne d’Opice ; mais dans la suite, des hommes venus en grand nombre de la Chalcide et du reste de l’Eubée, occupèrent ce pays conjointement avec eux ; les fondateurs furent Périérès et Cratamène, l’un de Cyme, l’autre de Chalcis. Le nom de Zanclé fut d’abord donné a la ville par les Sicules, parce que l’endroit a la figure d’une faux, et qu’ils appellent une faux zanclos. Les habitans furent chassés dans la

  1. Trotile. Comme on ne trouve que cette seule fois le nom de Trotile, des savans soupçonnent que ce mot a été corrompu par les copistes, et qu’il s’agit ici de Trogile. C’était le sentiment d’Emilius Portus et celui de Pinedo sur Estienne de Bysance.