c’est que, dans le cas d’un échec, ils craignaient que le circuit trop étroit de leur ville ne fût trop facile à renfermer d’un mur de circonvallation. Ils firent passer une garnison à Mégare et une autre à Olympium, et plantèrent des pilotis dans la mer, aux endroits où il était possible d’aborder. Voyant que les Athéniens hivernaient à Naxos, ils se portèrent avec toutes leurs forces vers Catane, en dévastèrent le territoire, mirent le feu aux tentes et aux retranchemens, et retournèrent chez eux. Comme ils surent que les Athéniens, pour attirer à leur parti, en conséquence du traité fait au temps de Lachès, les habitans de Camarina, leur avaient envoyé une députation, ils leur en envoyèrent une de leur côté. Ils soupçonnaient les Camarinéens de ne leur avoir pas fourni de bon cœur les secours qu’ils leur avaient fait passer à la première bataille, et de ne vouloir pas leur en envoyer à l’avenir ; ils craignaient que, témoins de l’avantage des Athéniens, et cédant au penchant d’une ancienne amitié, ils ne se rangeassent de leur parti. Hermocrate arriva de la part des Syracusains, et Euphémus de la part des Athéniens, chacun avec quelques collègues. Il y eut des conférences ; et Hermocrate, pour prévenir les esprits contre les Athéniens, avant qu’ils se fissent entendre, tint à peu près ce discours :
LXXVI. « Ce n’est pas dans la crainte que l’aspect des forces arrivées d’Athènes vous cause de l’épouvante, que nous sommes députés près de vous : ce que nous craignons, c’est qu’avant de nous avoir écoutés, vous ne vous laissiez persuader par les discours que les Athéniens s’apprêtent à vous faire entendre. Ils viennent en Sicile sous un prétexte que vous connaissez, mais avec un dessein que nous soupçonnons tous. Je ne crois pas qu’ils veuillent rétablir les Léontins, mais plutôt nous chasser. Car il n’est pas naturel de dépeupler des villes dans la Grèce et d’en peupler dans la Sicile ; de s’intéresser aux habitans de Léontium, qui sont Chalcidiens, parce qu’on est lié avec eux par une même origine, et d’asservir les Chalcidiens de l’Eubée dont ceux-là sont une colonie ; mais par les mêmes moyens qu’ils ont usurpé la domination sur les uns, ils veulent l’établir sur les autres. Qand ils eurent engagé les Ioniens et les autres alliés, qui tiraient d’eux leur origine, à se mettre, de leur propre volonté, sous leur commandement pour se venger du Mède, ils les subjuguèrent tour à tour, les uns, parce qu’ils avaient abandonné l’armée, les autres, parce qu’ils se faisaient réciproquement la guerre ; d’autres, sous d’autres prétextes ; car ils en avaient toujours de plausibles. Ce ne fut pas pour la liberté de la Grèce qu’ils résistèrent au Mède, ni les autres Grecs pour leur propre liberté ; mais ceux-là, pour que les Grecs leur fussent soumis, et non au Mède ; et ceux-ci pour changer de maître, et en avoir un moins imbécile, mais plus insidieux.
LXXVII. « Nous ne venons pas faire le détail de toutes les injustices des Athéniens ; il est trop facile de les accuser, et ce que nous pourrions dire vous est trop connu. C’est nous-mêmes plutôt que nous accuserons, nous qui avons l’exemple des Grecs du continent ; qui savons comme ils furent asservis, faute de s’être secourus eux-mêmes ; qui voyons les mêmes astuces employées maintenant contre nous ; le rétablissement des Léontins en faveur de la communauté d’origine, les secours donnés aux Égestains comme à des alliés, et qui ne nous serrons pas avec zèle les uns contre les autres, pour leur montrer qu’il ne se trouve point ici de ces Ioniens, de ces habitans de l’Hellespont, de ces insulaires toujours prêts à secouer le joug du Mède ou de tel autre maître, et cependant toujours esclaves ; mais que nous sommes des Doriens, des hommes libres, sortis, pour nous établir en Sicile, du Péloponnèse qui n’obéit qu’à ses propres lois. Voulons-nous donc attendre que toutes nos villes soient prises l’une après l’autre, certains qu’il n’est que ce seul moyen de nous conquérir, quand nous voyons que c’est précisément celui qu’adoptent les Athéniens, détachant de nous les uns par la séduction, les autres par l’espoir de leur alliance s’ils attaquent leurs voisins ; tous, en les caressant en particulier pour parvenir à les perdre. Et nous croyons parce qu’une ville sicilienne est éloignée de nous, qu’elle peut être détruite sans que les maux qu’elle éprouve nous atteignent, et que celui qui souffre avant nous sera le seul qui ait à souffrir !
LXXVIII. « Si quelqu’un de vous s’est mis dans la pensée que ce n’est pas lui qu’Athènes regarde comme son ennemi, mais les Syracusains ; s’il lui semble dur de se mettre en dan-