Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/236

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contre eux. Comme ils pensaient que si l’ennemi ne pouvait s’emparer d’Épipole, endroit escarpé et qui domine la ville, il ne lui serait pas aisé, même en gagnant une bataille, de les renfermer d’un mur de circonvallation, ils résolurent d’en garder les accès. Dès que les Athéniens ne pourraient surprendre ce passage, il ne leur en restait pas d’autres. De tous les autres côtés sont des collines dont le penchant est dirigé du côté de la place, en sorte que le terrain qu’elles enveloppent est en entier à découvert. Les Syracusains ont donné le nom d’Épipole à cet endroit parce qu’il s’élève par-dessus le reste du pays. Ils sortirent avec toutes leurs forces, et gagnèrent au point du jour la prairie que baigne l’Anapus. Hermocrate et ses collègues venaient de recevoir le commandement ; ils firent la revue des troupes complètement armées, et choisirent entre elles sept cents hommes que commandait Diomile, exilé d’Andros. Leur destination fut de garder les Épipoles ; comme ils étaient réunis, on pouvait disposer d’eux à chaque instant, s’ils devenaient utiles à quelque autre opération.

XCVII. Dès le jour qui suivit cette nuit, les Athéniens firent la revue de leurs troupes, et, à l’insu des ennemis, ils sortirent de Catane par mer avec toutes leurs forces ; ils gagnèrent un endroit nommé Léon, qui n’est qu’à six ou sept stades d’Épipole, mirent à terre leur infanterie, et allèrent avec les vaisseaux à Thapsos. C’est une Chersonèse avancée dans la mer, et qui ne tient à la terre que par un isthme fort étroit : elle n’est, ni par terre ni par mer, fort éloignée de Syracuse. L’armée de mer des Athéniens garnit l’isthme de palissades et se tint en repos. L’infanterie courut précipitamment à Épipole, et en gravit la hauteur du côté d’Euryèle, avant que ceux des Syracusains qui passaient en revue dans la prairie pussent s’apercevoir de leur marche et s’avancer contre eux. Ils vinrent cependant enfin avec plus ou moins de célérité, et entre autres les sept cents aux ordres de Diomile. Il n’y avait pas, de la prairie, moins de vingt-cinq stades[1] pour se trouver en présence. Ils attaquèrent donc en désordre, furent battus, et rentrèrent dans la ville. Diomile fut tué, et il y eut à peu près trois cents morts. Les Athéniens dressèrent un trophée, rendirent par traité les morts aux Syracusains, et descendirent le lendemain jusqu’au pied de la place. Comme il ne se fit pas contre eux de sortie, ils se retirèrent et se mirent à élever sur les dernières hauteurs d’Épipole, à Labdale, un fort qui regardait Mégare ; ils le destinaient à servir de magasin pour y déposer leurs effets et leurs ustensiles, toutes les fois qu’ils s’écarteraient pour combattre ou pour travailler à des retranchemens.

XCVIII. Peu après, il leur arriva d’Égeste trois cents cavaliers, et environ cent hommes, tant de chez les Sicules que de Naxos et d’autres endroits. Les deux cent cinquante cavaliers d’Athènes avaient reçu des gens de Catane et d’Égeste, des chevaux, ou en avaient acheté. On rassembla en tout six cent cinquante hommes de cavalerie. Les Athéniens laissèrent une garnison à Labdale et allèrent à Sycé ; ils s’y arrêtèrent et travaillèrent sans délai à un mur de circonvallation. La célérité qu’ils mirent à cet ouvrage effraya les Syracusains. Ils ne crurent pas devoir regarder d’un œil tranquille cette entreprise, et s’avancèrent dans le dessein de combattre : déjà l’on était en présence ; mais les généraux syracusains voyant leurs troupes éparses, et s’apercevant qu’il n’était pas aisé de les ranger en bataille, retournèrent à la ville. Ils laissèrent seulement un peu de cavalerie, dont la présence empêchait les ennemis d’aller chercher des pierres et de s’écarter ; mais un bataillon d’hoplites athéniens, soutenu par les cavaliers, l’attaqua et la mit en fuite. On lui tua quelques hommes, et cette victoire fut célébrée par un trophée.

XCIX. Le lendemain les Athéniens reprirent leurs travaux ; les uns s’occupaient du mur de circonvallation du côté du nord ; les autres apportaient des pierres et du bois de charpente qu’ils déposaient à Trogile : c’était l’endroit où le retranchement, depuis le grand port jusqu’à l’autre mer, devait avoir le moins de longueur.

Les Syracusains, qui se laissaient guider sur tout par les conseils d’Hermocrate, l’un de leurs généraux, ne voulurent plus se hasarder contre les Athéniens dans des affaires générales. Ils jugèrent plus à propos d’élever eux-mêmes un contre-mur du côté où l’ennemi devait conduire ses retranchemens. S’ils pouvaient le devancer,

  1. Près d’une lieue.