Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/249

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vingt-cinq des Corinthiens. Démosthène et Eurymédon firent partir avec lui dix de leurs vaisseaux les plus légers à la mer pour les joindre à la flotte de Naupacte, et eux-mêmes s’occupèrent du rassemblement des troupes. Eurymédon passa à Corcyre, ordonna aux habitans d’équiper quinze vaisseaux et fit des levées d’hoplites ; car il renonçait à son départ, devenu, par son élection, collègue de Démosthène. Celui-ci rassembla autour de l’Acarnanie des frondeurs et des gens de traits.

XXXII. Les députés de Syracuse, qui étaient partis après la prise de Plemmyrium pour demander aux villes des secours, en avaient obtenu, et étaient près d’amener les troupes qu’il venaient de lever. Nicias le sut : il envoya chez ceux des Sicules qui se trouvaient sur la route, chez les Centoripes alliés, chez les Alicycéens, et en d’autres villes, les prier de ne pas laisser passer les ennemis, et de réunir leurs efforts pour les arrêter. Ils n’avaient pas d’autre chemin à prendre ; car les Agrigentins ne leur permettaient pas de traverser leur pays. Déjà les Siciliens étaient en marche, quand à cette sollicitation, les Sicules leur dressèrent trois embûches, fondirent sur eux tout à coup lorsqu’ils étaient dans une pleine sécurité, et en tuèrent environ huit cents ; de ce nombre furent tous les députés, à l’exception d’un seul qui était de Corinthe. Il se mit à la tête des hommes qui purent échapper, au nombre de quinze cents, et les conduisit à Syracuse.

XXXIII. Dans ces mêmes jours, il leur vint de Camarina, en qualité d’auxiliaires, cinq cents hoplites, trois cents hommes armés de javelots, et deux cents archers. Ils avaient enfin pour eux la Sicile presque entière, à l’exception d’Agrigente, qui gardait la neutralité. Tout ce qui d’ailleurs était resté jusqu’alors en suspens, se réunit en leur faveur contre les Athéniens ; mais les Syracusains, après l’échec qu’ils venaient de recevoir chez les Sicules, différaient d’attaquer les ennemis.

Quant à Démosthène et Eurymédon, dès que l’armée de Corcyre et du continent fut prête, ils traversèrent avec toutes leurs troupes le golfe d’Ionie, et abordèrent au promontoire d’Iapygie. De là ils mirent à la voile, prirent terre aux Chærades, îles de l’Iapygie, et emmenèrent sur leurs vaisseaux quelques gens de traits ; c’était des Iapygiens de la race des Messapiens. au nombre de cent cinquante. Artas gouvernait ce peuple. Les généraux Athéniens renouvelèrent avec lui l’ancienne amitié, et ce fut lui qui leur donna ces troupes. Ils arrivèrent à Métaponte en Italie, et obtinrent des habitans, en qualité d’alliés, trois cents hommes armés de javelots et deux trirèmes. Ils les prirent avec eux et passèrent à Thurium. Il se trouva que, dans une insurrection, la faction qui leur était contraire venait de succomber. Ils s’y arrêtèrent dans le dessein de faire la revue de toutes leurs troupes, pour reconnaître s’il ne leur en manquait pas encore quelques-unes, et d’engager les Thuriens, puisque la fortune les favorisait, à faire la guerre avec eux, à la pousser vigoureusement, et à n’avoir que les mêmes amis et les mêmes ennemis.

XXXIV. Les Péloponnésiens, et ce qu’il y avait alors en station avec les vingt-cinq vaisseaux devant la flotte de Naupacte, pour favoriser le passage de leurs vaisseaux de charge qui devaient gagner la Sicile, se disposaient à livrer un combat. Ils amenèrent encore d’autres vaisseaux pour n’être pas inférieurs à la flotte d’Athènes. Ils jetèrent l’ancre sous Érinée, ville d’Achaïe, dans la campagne de Rypé. Le golfe où ils se logèrent a la forme d’un croissant : l’infanterie de Corinthe et des alliés en garnit les deux pointes ; la flotte était au milieu et fermait le golfe ; elle était commandée par Polyanthès de Corinthe. Les Athéniens de Naupacte, avec trente-trois vaisseaux, vinrent se présenter devant elle, sous le commandement de Diphilus. D’abord les ennemis ne firent aucun mouvement ; mais quand ils crurent le moment favorable, le signal fut levé, ils s’avancèrent et l’action s’engagea. Long-temps les deux flottes s’opposèrent une égale résistance. Enfin trois vaisseaux de Corinthe furent brisés ; aucun de ceux des Athéniens ne coula bas, mais sept furent mis hors d’état de manœuvrer. Attaqués par la proue, ils eurent l’avant brisé par les vaisseaux ennemis, qui avaient été garnis pour cet effet de plus forts éperons. L’issue de cette journée fut douteuse, et l’un et l’autre parti s’attribua la victoire. Cependant les Athéniens restèrent maîtres des débris des vaisseaux ennemis, et comme le vent poussait à la haute mer, et que les Corinthiens ne revinrent plus à la charge,