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Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/317

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pêcha : ils restèrent aux Arginuses, où ils dressèrent un trophée. Étéonice, averti, par un brigantin de l’issue du combat naval, le renvoya en recommandant à l’équipage de se retirer en silence, sans parler à personne ; puis de revenir soudain, couronnés de fleurs, et criant que Callicratidas était vainqueur, que la flotte athénienne était entièrement défaite. Ils annoncent la prétendue victoire : déjà ils ont quitté le port. Étéonice offre des sacrifices d’actions de grâces, ordonne aux soldats de souper, aux marchands de charger sans bruit leurs marchandises, à ses galères, secondées par un vent favorable, de prendre la route de Chio. Pour lui, il brûla son camp et gagna Méthymne avec l’armée de terre.

Après sa retraite, Conon, tirant ses galères en mer, vint par un bon vent rencontrer l’armée navale athénienne, qui cinglait des Arginuses, et lui raconta le stratagème d’Étéonice. Les Athéniens voguèrent à Mitylène, de là à Chio, puis regagnèrent Samos, sans avoir rien fait de remarquable.


CHAPITRE VII.


Cependant Athènes avait cassé tous ses généraux, excepté Conon, qui eut pour adjoints Adimante et Philoclès. Entre les généraux qui avaient combattu la flotte de Callicratidas, Protomachus et Aristogène ne revinrent point à Athènes ; six autres, Périclès, Diomédon, Lysias, Aristocrate, Thrasyle, Érasinide, n’y furent pas plutôt arrivés, qu’Archédème, gouverneur de Décélie, et jouissant alors d’un grand crédit dans Athènes, proposa une amende contre Érasinide, à qui il en voulait : il l’accusa dans le tribunal d’avoir détourné l’argent des tributs de l’Hellespont : il l’accusait encore d’autres malversations commises pendant son généralat. Les juges ordonnèrent d’emprisonner Érasinide.

Les autres généraux entretinrent ensuite le sénat du combat naval et de la violence de la tempête. Timocrate opine à les livrer au peuple chargés de chaînes : le sénat se rend à son avis ; le peuple s’assemble. Théramène, entre autres, les accuse, demande qu’ils expliquent pourquoi ils n’ont point enlevé les corps de ceux qui étaient naufragés ; et pour preuve que ces généraux ne chargeaient aucun de leurs collègues, il lut la lettre qu’ils avaient adressée au sénat et au peuple, où ils ne s’en prenaient qu’à la tempête.

On refuse à ces infortunés, pour leur défense, le temps accordé par la loi ; chacun d’eux en particulier raconte le fait en peu de mots. Occupés à la poursuite de l’ennemi, ils avaient confié l’enlèvement des naufragés à d’habiles triérarques, à des hommes qui venaient de commander, à Théramène, Thrasybule et autres principaux officiers ; que s’il fallait accuser quelqu’un, c’était sans doute ceux qu’on avait chargés de ce soin. Cependant, ajoutèrent-ils, ils ont beau nous dénoncer, nous ne trahirons point la vérité, nous ne prétendrons pas qu’ils soient coupables : la violence seule de la tempête a empêché l’enlèvement des morts. Ils prenaient à témoin de ce qu’ils disaient les pilotes et d’autres compagnons d’armes. Ce discours persuada si bien le peuple, que plusieurs particuliers se levèrent et s’offrirent pour cautions. Mais on fut d’avis de renvoyer l’affaire à une autre assemblée, parce qu’il se faisait tard et qu’on ne distinguait plus de quel côté était la pluralité : le sénat tracerait par un décret préparatoire la marche a suivre dans le jugement des prévenus.

Survint la fête des Apaturies, où l’on s’assemble par familles. Les amis de Théramène avaient aposté pour ce jour, des hommes qui parurent à l’assemblée, rasés et vétus d’habits de deuil, comme parens de morts. Ils déterminèrent Callixène à accuser les généraux en plein sénat. Ils convoquèrent ensuite une assemblée où le sénat, conformément à la rédaction de Callixène, ordonna que « puisque dans la dernière séance en avait entendu les accusations et les défenses, les Athéniens iraient aux voix par tribus ; que dans chaque tribu deux urnes seraient placées ; un héraut y publierait que ceux qui trouveraient les généraux coupables de n’avoir pas enlevé les corps des vainqueurs, missent leur caillou dans la première urne ; que ceux d’un avis contraire le jetassent dans la seconde ; que s’ils étaient jugés coupables, on les punirait de mort, on les livrerait aux onze, on confisquerait leurs biens, en en verserait le dixième dans le temple de Minerve. » Parut un homme qui dit s’être sauvé du naufrage sur un tonneau de farine ; ses compagnons d’infortune l’avaient chargé, s’il échappait, de déclarer au peuple que les généraux