Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/348

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fiques harnais qu’il portait, et les lui donna. Le jeune homme remonte à cheval, et rejoint son père. Quelque temps après, Pharnabaze fut, dans son absence, dépouillé de son gouvernement par son frère. Agésilas accueillit le fils de Parapite, et mit tout en œuvre pour que l’ami de cet exilé, le fils d’Évalcés, Athénien, fût admis aux jeux olympiques, quoique le plus grand des jeunes athlètes.

Cependant Agésilas sortit de Phrygie selon sa promesse : c’était vers le commencement du printemps. Descendu dans la plaine de Thèbes, il campa près du temple de Diane Astyrine, et grossit son armée de troupes rassemblées de toutes parts. Il se disposait à pénétrer dans la haute Asie le plus avant qu’il pourrait, dans l’espérance que toutes les nations qu’il laisserait derrière lui abandonneraient le parti du roi.


CHAPITRE II.


Agésilas s’occupait de ces grands projets, quand les Lacédémoniens, convaincus qu’on avait semé de l’or dans la Grèce, que les grandes villes s’étaient liguées contre eux, que la patrie était en danger, qu’une campagne était inévitable, s’y préparèrent, et députèrent Épicydidas vers le roi de Lacédémone. Il arrive, lui expose l’état des affaires, lui annonce l’ordre de revenir promptement au secours de la république. Cette nouvelle affligeait vivement Agésilas ; il songeait à tant d’espérances, à tant d’honneurs qui lui échappaient ; néanmoins il convoqua les alliés, et leur montra les ordres de la république, en leur disant qu’il fallait voler au secours de la patrie. « Si les affaires s’arrangent, sachez, mes amis, que je ne vous oublierai pas ; je reviendrai parmi vous répondre à vos vœux. » À ces mots, ils fondirent en larmes, et décrétèrent unanimement qu’ils iraient avec Agésilas au secours de Lacédémone ; que si les affaires réussissaient, ils retourneraient avec lui en Asie. Ils se disposèrent donc à le suivre. Il nomma Euxéne harmoste d’Asie, et ne lui donna pas moins de quatre mille hommes pour la défense du pays.

Il voyait que la plupart des soldats aimaient mieux rester que d’aller faire la guerre à des Grecs ; jaloux d’en emmener avec lui le plus grand nombre et les plus vaillans, il établit des récompenses et pour les villes qui enverraient les meilleures troupes, et pour les officiers des troupes soldées qui renforceraient son armée d’hoplites, d’archers, de peltastes bien équipés. Il promit aussi un prix aux hipparques qui commanderaient l’escadron le mieux dressé et le mieux monté ; et pour qu’ils sussent qu’il voulait de l’émulation, il leur assura que l’on adjugerait les prix lorsqu’on aurait passé d’Asie en Europe, dans la Chersonèse. Ils consistaient la plupart en armes artistement travaillées pour les hoplites et pour les cavaliers, et même en couronnes d’or. Il n’en coûta pas moins de quatre talens ; on acheta encore à grands frais des armes pour les troupes. Dès qu’il eut traversé l’Hellespont. on nomma pour juges trois Lacédémoniens, Ménascus, Hérippide et Orsippe ; chaque ville alliée fournit aussi un juge. Les prix décernés, Agésilas et ses troupes prirent la route qu’avait suivie Xerxès dans son expédition contre la Grèce.

Sur ces entrefaites, les éphores levèrent une armée ; et comme Agésipolis était encore enfant, Aristodème, son parent et son tuteur, fut chargé de la commander. Quand les Lacédémoniens se furent mis en campagne, leurs ennemis convoquérent une assemblée pour délibérer sur la tactique qui leur serait la plus avantageuse. Timolaus, de Corinthe, leur donna son avis en ces termes :

« Braves alliés, je compare les Lacédémoniens à des fleuves : peu considérables à leur source, ou les traverse facilement ; mais à mesure qu’ils s’éloignent, ils grossissent et se fortifient de la jonction d’autres fleuves. De même les Lacédémoniens sont seuls quand ils sortent de chez eux ; mais qu’ils s’avancent et fassent des recrues, ils deviennent plus nombreux et plus difficiles à vaincre.

« Je vois aussi que lorsqu’on veut détruire des guêpes, si on les attaque loin de leur retraite, on est piqué de toutes parts ; mais si on porte le feu près de leur demeure lors qu’elles y sont, on les prend sans peine et sans danger.

« D’après ces considérations, je crois que le plus sûr parti est de joindre l’ennemi ou dans Lacédémone même, ou du moins le plus près possible. »

Cette mesure fut approuvée et décrétée. Tandis que l’on délibérait sur la prééminence et sur l’ordonnance générale à donner à l’armée,