Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/376

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Après avoir franchi le Cithéron, il vint à Thespie, d’où il sortit pour entrer sur le territoire des Thébains : il en trouva la plaine et les plus beaux lieux du pays retranchés et palissadés. Il campait tantôt ici, tantôt là ; et partant après le diner, il ravageait la partie orientale des palissades et des fossés qui lui faisaient face. Partout où il se montrait, les ennemis s’y portaient, pour le repousser sans sortir des retranchemens. Un jour qu’il se retirait dans son camp, la cavalerie thébaine, n’étant pas aperçue, sortit à l’improviste de ses palissades par des sentiers détournés. Les peltastes ennemis s’en allaient souper et pliaient bagage : parmi leurs cavaliers les uns montaient à cheval, les autres en descendaient à l’instant. Ils les chargent, tuent quantité de peltasles, quelques cavaliers, entre autres les Spartiates Cléon et Épilytide, le périèce Eudicus et quelques bannis d’Athènes, qui n’étaient pas encore remontés à cheval. Agésilas se retourne, avance avec ses hoplites : ses cavaliers, soutenus des plus jeunes hoplites, accourent contre les cavaliers thébains. Ceux-ci, semblables à des hommes abattus par la chaleur du midi, se laissaient approcher tant que les javelines se lançaient à coups perdus, puis se retiraient : à cette manœuvre, ils perdirent douze de leurs hommes.

Agésilas, considérant que l’ennemi, ainsi que lui, se montrait ordinairement après dîner, sacrifie dès le point du jour, marche en diligence, et, par des lieux solitaires, pénètre jusqu’aux retranchemens, d’où il met tout à feu et à sang jusqu’aux portes de Thèbes. Après cet exploit, il se retira à Thespie, et l’ayant fortifiée, y laissa l’harmoste Phébidas ; puis, repassant le mont Cithéron, il revint à Mégare, où il licencia les alliés, et ramena son armée à Sparte.

Phébidas ensuite, tantôt envoyait des coureurs piller les Thébains et leur faire des prisonniers, tantôt ravageait lui-même leur territoire. Par représailles, les Thébains avancent avec toutes leurs forces vers Thespie. Ils entrent sur le territoire : Phébidas les presse avec ses peltastes et les empêche de se disperser ; au point que, très affligés d’avoir pénétré si avant, ils se retirent plus tôt qu’ils ne l’avaient projeté : les muletiers dans leur fuite déchargeaient même le butin, tant l’armée était saisie d’épouvante.

Enhardi par ce premier succès, il les serre de plus près, ayant avec lui ses peltastes, et commandant aux hoplites de suivre en bataille rangée. Il se flattait de la victoire, parce qu’il combattait lui-même vaillamment, qu’il exhortait ses troupes à une poursuite vigoureuse, et que d’ailleurs il avait ordonné aux hoplites thespiens de fortifier l’infanterie légère. Mais les cavaliers thébains ayant rencontré dans leur retraite des lieux aquatiques, et ne sachant où ils étaient guéables, furent contraints de se rallier et de faire face à l’ennemi. Les peltastes de Phébidas les plus avancés, se voyant en petit nombre, revinrent tout épouvantés sur leurs pas : ce qui décida la cavalerie thébaine à charger. Phébidas périt en combattant avec deux ou trois de ses braves. Les troupes soldées, après cet événement, se débandèrent ; elles arrivèrent près des hoplites thespiens. Ceux-ci prirent aussi la fuite, eux qui auparavant prétendaient bien ne point céder aux Thébains, et que l’on poursuivait avec peu de vigueur, parce qu’il était déjà tard. Les Thespiens perdaient peu de monde ; mais ils ne s’arrêtèrent pas qu’ils ne fussent rentrés dans leurs murs.

Les affaires des Thébains reprirent dès lors une nouvelle face ; ils marchèrent contre Thespie et contre les villes voisines. Comme on avait introduit dans toutes le régime aristocratique, les partisans de la démocratie émigraient et allaient à Thèbes ; en sorte que, dans ces villes aussi, les amis de Sparte avaient fort à souffrir. Cependant les Lacédémoniens envoyèrent par mer un polémarque avec une division à Thespie, pour garder la place. Le printemps venu, les éphores font une nouvelle levée contre les Thébains, et comme auparavant, prient Agésilas de prendre le commandement. Ce général, qui approuvait l’expédition, avant même que d’offrir les diabatères, intime au polémarque de Thespie l’ordre de s’emparer des hauteurs qui dominent le chemin du Cithéron, et de les garder jusqu’à son arrivée.

Agésilas les ayant franchies, se rendit à Platée, feignit d’aller encore à Thespie, et manda qu’on y rassemblât des approvisionnemens, et que les députés l’y attendissent ; de manière que les Thébains campèrent avec toutes leurs forces sur l’avenue de Thespie. Mais le lendemain Agésilas, ayant sacrifié, partit avant le jour, prit la route d’Érythre, et faisant le che-