Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/391

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blés, marchèrent contre les Héréens, qui avaient refusé leur association, et s’étaient jetés dans l’Arcadie avec les Lacédémoniens. Ils entrèrent donc sur leurs terres, dont ils brûlèrent les maisons et coupérent les arbres ; mais sur la nouvelle que les Thébains venaient d’arriver au secours de Mantinée, ils quittèrent le territoire d’Hérée pour se joindre à eux.

La jonction faite, les Thébains, qui croyaient avoir assez fait, soit en venant à leur secours, soit en éloignant l’ennemi par leur présence, se disposaient à partir ; mais les Arcadiens, les Argiens et les Éléens leur persuadèrent de marcher droit en Laconie, par la considération de leur nombre et de la valeur thébaine, qu’ils ne manquaient pas d’exalter : en effet, tous les Bœotiens, glorieux de la victoire de Leuctres, s’exerçaient aux armes. Sous leurs étendards marchaient les Phocéens, qu’ils avaient réduits, toutes les villes de l’Eubée, les deux Locrides, les Acarnaniens, les Héracléens et les Maliens. Suivaient pareillement les cavaliers et les peltastes de la Thessalie. Joyeux de tous ces avantages, les Arcadiens et leurs alliés, assurant que Sparte n’était qu’une vaste solitude, suppliaient les Thébains de ne pas s’en retourner qu’ils n’eussent fait une course sur les terres de Lacédémone.

Ceux-ci écoutaient ces propositions séduisantes ; mais ils considéraient que la Laconie était de difficile accès : ils en croyaient les passages faciles bien gardés ; car Ischolaus était à Io dans la Sciritide, avec quatre cents braves tant des nouveaux citoyens que des bannis de Tégée. Il y avait une autre garnison à Leuctres, au-dessus de la Maléatide. Les Thébains considéraient encore que les forces de Lacédémone se rassembleraient promptement, et qu’elle ne combattrait nulle part mieux que dans ses propres foyers : d’après toutes ces considérations, ils n’inclinaient pas fort à marcher contre Lacédémone. Mais des gens arrivés de Caryes disaient qu’elle était dénuée de troupes ; ils s’offraient pour guides et consentaient à être égorgés s’ils en imposaient. Des périèces les appelaient aussi, leur promettant de se révolter s’ils se montraient seulement sur leurs terres, et leur affirmaient que dans le moment même les périèces, mandés par les Spartiates, refusaient de marcher. Les Thébains, instruits de toutes parts de ces diverses circonstances, se laissèrent enfin persuader. Ils entrèrent par Caryes, et les Arcadiens par Io dans la Sciritide.

On prétend que si Ischolaus se fût avancé jusqu’aux détroits, ils ne les eussent jamais passés ; mais tandis qu’il attendait dans le bourg d’Io un renfort des Iatéens, les Arcadiens gravirent en foule les hauteurs. Tant qu’ils ne l’attaquèrent que de front, il eut l’avantage ; mais les uns l’ayant pris en queue et en flanc, les autres frappant et lançant des traits du haut des maisons, il fut tué ; et tous auraient eu le même sort, si par hasard il ne s’en était sauvé quelques-uns. Après cette victoire, les Arcadiens prirent le chemin de Caryes pour rejoindre les Thébains. Ceux-ci, informés des exploits des Arcadiens, descendirent avec bien plus de hardiesse : ils pillèrent et brûlèrent d’abord Sellasie ; et lorsqu’ils furent dans la plaine, ils campèrent dans un bois consacré à Apollon. Ils en partirent le lendemain, mais sans traverser l’Eurotas à la partie guéable qui conduit à Sparte, parce qu’on découvrait, dans le temple de Minerve Aléa, des hoplites qui attendaient de pied ferme. Ils laissèrent l’Eurotas à leur droite, et ils saccagèrent et incendièrent les maisons les plus riches.

Les femmes de Sparte qui n’avaient jamais vu l’ennemi, ne pouvaient supporter la fumée des embrasemens ; mais les hommes, qui paraissaient et qui étaient réellement en fort petit nombre dans une ville tout ouverte, occupaient les uns un poste, les autres un autre. Les magistrats jugèrent expédient de déclarer à ceux des hilotes qui voudraient prendre les armes et se placer parmi les combattans, que la liberté serait la récompense de leur bravoure : en un instant plus de six mille s’enrôlèrent. Ces hilotes rangés en bataille donnèrent des craintes ; et de fait ils semblaient très nombreux ; mais quand les Spartiates possédèrent sur leur territoire les troupes soldées d’Orchomène, renforcées par ceux de Corinthe, Épidaure, Pellène et autres villes, alors la vue des nouveaux enrôlés les épouvanta moins.

L’armée ennemie, arrivée à la hauteur d’Amyclès, passa l’Eurotas. Partout où les Thébains campaient, ils jetaient devant les rangs le plus d’arbres qu’ils pouvaient couper et se retranchaient ainsi ; au lieu que les Arcadiens quit-