Aux cris qui parvinrent jusque dans la ville, les habitans accoururent. Les ennemis sortirent de la forteresse et combattirent sous les portes qui conduisaient à la ville, puis se voyant assiégés, se retirèrent dans la citadelle : les hoplites y entrèrent pêle-mêle avec eux ; en sorte que l’esplanade se trouva aussitôt déserte. L’ennemi monta sur les remparts et sur les tours, d’où il faisait pleuvoir une grêle de traits sur les habitans : ceux-ci se défendaient d’en bas et combattaient au pied des rampes.
Bientôt des citoyens de Phlionte s’emparent de tours à droite, à gauche, et s’avancent tous ensemble et en désespérés contre l’ennemi qui venait de monter, le chargent, le pressent, le renferment dans un petit espace.
Pendant ce temps-là, ceux de l’Arcadie et de l’Argolide environnèrent la ville et profitèrent d’une partie plus élevée de l’enceinte pour faire une brèche au mur de la citadelle.
Les habitans combattaient à la fois et contre ceux qui occupaient déjà les murs de la citadelle, et contre les assaillans qui escaladaient l’enceinte même de la ville, et qui étaient encore sur les échelles. D’autres se trouvant aux prises avec ceux qui venaient de monter sur les tours, les embrasèrent avec le feu qu’ils trouvèrent dans les tentes : ils avaient apporté des gerbes moissonnées dans la citadelle même. Aussitôt les uns se précipitent des tours, dans la crainte des flammes ; les autres, atteints par les Phliontins, tombent au pied des murailles.
Dès qu’une fois ils eurent commencé à plier, toute la forteresse se trouva en un instant vide d’ennemis. La cavalerie alors accourut au galop : à son aspect les ennemis se retirèrent, abandonnant les échelles, les morts et les blessés, et perdirent, soit en combattant dans la citadelle, soit au dehors, au moins quatre-vingts hommes. Aussitôt s’offrit un touchant spectacle ; il fallait voir les hommes s’embrasser, se féliciter de leur délivrance, les femmes leur apporter des rafraîchissemens et pleurer de joie. La douleur et la joie se peignaient sur tous les visages.
L’année suivante, tous les Argiens et les Arcadiens entrèrent encore dans Phlionte : leur acharnement contre les Phliontins provenait de la haine qu’ils leur portaient, et de l’espérance de prendre par famine une ville qu’ils tenaient bloquée. Mais dans cette nouvelle action, la cavalerie phliasienne et la troupe d’élite, soutenues de cavaliers athéniens, ayant avec beaucoup d’avantage fondu sur eux au passage de l’Asope, les tinrent serrés le reste du jour sous les montagnes : on eût dit qu’elles veillaient pour préserver de ravage les moissons amies.
Une autre fois, l’harmoste thébain qui commandait à Sicyone, vint les attaquer avec les soldats de la garnison thébaine : il était secondé de ceux de Sicyone et de Pellène, qui dès lors suivaient les Thébains. Euphron s’était rendu à cette expédition, avec ses deux mille hommes environ de troupes soudoyées. Une partie descendit par Tricrane vers le temple de Junon, comme pour ravager la plaine : on laissa ceux de Pellène et de Sicyone sur les hauteurs, et dans la direction de Corinthe, de peur que les Phliasiens gravissant et tournant par ce côté, ne parvinssent à dominer au-dessus du temple. Les habitans de Phlionte voyant l’ennemi s’élancer dans la plaine, courent et les repoussent avec leur cavalerie et leur troupe d’élite. La plus grande partie du jour se passa en escarmouches, Euphron poursuivant les Phliasiens jusqu’aux lieux praticables pour la cavalerie, et ceux-ci à leur tour poursuivant Euphron jusqu’au temple.
Pour se retirer entièrement, les ennemis tournèrent Tricrane, parce qu’un ravin profond, qui se trouvait devant cette place, les empêchait de rejoindre Pellène par un plus court chemin. Les Phliasiens les ayant suivis sur les hauteurs, se détournèrent tout à coup, et longèrent les murs afin d’aller à la rencontre des Pelléniens et de quelques autres de leurs alliés. Les Thébains s’apercevant du mouvement des Phliasiens, se hatent de les prévenir, pour secourir les Pelléniens ; mais les cavaliers de Phlionte, qui avaient pris le devant, fondirent sur les Pelléniens, reculèrent au premier choc, donnèrent une seconde fois et les rompirent à l’aide de l’infanterie qui venait de les renforcer. Des Sicyoniens et quantité de braves Pelléniens périrent dans la déroute.
Après ces exploits, les Phliasiens dressèrent un brillant trophée, et chantèrent l’hymne de la victoire. Les Thébains et Euphron se tenaient tranquilles spectateurs du triomphe : on les eût dits accourus pour le contempler. Ensuite on se retira de part et d’autre.