Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/405

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Les Arcadiens entrèrent de nouveau dans l’Élide ; les bannis leur avaient persuadé que la ville se rendrait, mais elle était défendue par les Achéens, alors amis des Éléens ; en sorte que ceux d’Arcadie se retirèrent sans avoir fait autre chose que ravager le territoire. Ils en étaient à peine sortis qu’ils apprennent que les Pelléniens sont dans l’Élide ; ils font une grande traite toute la nuit, et prennent Olure, ville des Pelléniens, redevenus pour lors alliés de Sparte. A la nouvelle de la prise d’Olure, les Pelléniens, après un long circuit et beaucoup d’efforts, arrivent enfin dans leur ville, combattent les Arcadiens qui étaient dans Olure, et leurs concitoyens qu’on avait armés : quoiqu’en petit nombre, ils ne se donnèrent point de repos qu’ils n’eussent repris la place.

Ceux d’Arcadie entrèrent encore une autre fois dans l’Élide. Comme ils étaient campés entre Cylléne et la ville, les Éléens les attaquèrent : les Arcadiens soutinrent le choc, et vainquirent. Le général éléen Andromaque, qui avait conseillé de livrer bataille, se donna la mort ; les troupes éléennes se retirèrent dans la ville. Dans cette action périt aussi le Spartiate Soclidas ; car Sparte avait alors fait alliance avec l’Élide.

Les Éléens, ainsi renfermés dans leurs murs, députèrent vers les Lacédémoniens pour les prier d’entrer en Arcadie, persuadés qu’on chasserait les Arcadiens en les attaquant de deux côtés. Archidamus se met donc en campagne, prend Cromne, et de ses douze cohortes en laisse trois en garnison, puis revient dans sa patrie.

Les Arcadiens, qui n’avaient pas encore licencié leurs troupes, accoururent à Cromne, l’enfermèrent d’un double retranchement où ils se campèrent, et l’assiégèrent ainsi. Lacédémone, indignée de ce siège, envoie une armée ; c’était encore Archidamus qui la commandait. Il part, ravage tout ce qu’il peut de l’Arcadie et de la Sciritide, et se sert de tous les moyens pour la levée du siège ; mais les Arcadiens n’étaient pas effrayés ; ils se riaient de ces vains efforts.

Archidamus, ayant remarqué une colline à travers laquelle les assiégeans avaient tiré leur circonvallation extérieure, crut qu’en s’en emparant ils ne pourraient plus rester dans leurs lignes ; mais comme il tournait avec ses troupes pour y arriver, ses peltastes, qui formaient l’avant-garde, ayant vu les Éparites hors du retranchement, les attaquent, soutenus des cavaliers qui tentaient de forcer la colline avec eux. Ces Éparites, loin de plier, restaient fermes dans leurs rangs. On revient à la charge ; mais loin de céder le terrain même alors, ils vont au devant d’eux à grands cris. Archidamus accourt en tournant par le grand chemin qui allait à Cromne : ses soldats marchaient sur deux de hauteur.

Les deux armées s’approchent ; Archidamus, défilant à cause du peu d’espace du chemin, tandis que les Arcadiens se serraient unissant leurs boucliers, ne fut pas en état de résister à la multitude. Bientôt il est percé d’outre en outre à la cuisse ; bientôt périssent sous ses yeux Polyénidas, Chilon son beau-frère, et tous les braves qui, au nombre de trente environ, combattaient autour de sa personne. Il quitta le chemin étroit pour gagner la plaine, où il se rangea en bataille. Les Arcadiens restèrent dans la même position, inférieurs en nombre, mais supérieurs par le courage, puisqu’ils poursuivaient une troupe qui lâchait pied et dont on avait tué quelques hommes. Les Lacédémoniens au contraire étaient consternés ; ils voyaient Archidamus blessé ; ils entendaient nommer les morts : c’étaient les plus courageux et presque les plus distingués de Sparte.

On s’approche enfin : « Pourquoi combattre ? s’écrie un des anciens ; pourquoi ne ferions-nous pas une trève ? » Ce mot est accueilli, et la trève conclue. Les Lacédémoniens se retirent après avoir enlevé les morts : les Arcadiens retournent au lieu d’où ils avaient commencé la charge, et dressent un trophée.

Tandis que les Arcadiens étaient devant Cromne, les Éléens marchèrent contre Pylos, dont s’étaient emparés les bannis de l’Élide. Ils rencontrent les Pyliens repoussés de Thalames ; aussitôt ils ordonnent à leur cavalerie de charger : quelques ennemis tombent sous leurs coups ; le reste poussé sur une colline, en fut délogé par l’infanterie éléenne, qui en tua une partie, et fit environ deux cents prisonniers. On vendit les soldats mercenaires ; les bannis furent égorgés, et Pylos prise avec ses habitans destitués de tout secours. Margane subit le même sort.

Quelque temps après, les Lacédémoniens font de nuit une nouvelle course, vers Cromne, se