Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/407

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dieu. Les Éléens aussi goûtèrent ces dispositions ; il fut donc arrêté de part et d’autre qu’on ferait la paix.

Elle fut conclue et jurée par les Tégéates et autres, ainsi que par le général athénien, qui se trouvait à Tégée avec trois cents hoplites bœotiens. Les Arcadiens, qui séjournaient dans cette ville, se livraient à la bonne chère et à la joie, faisaient des libations et chantaient des pæans en l’honneur de la paix, lorsque l’harmoste thébain et ceux des magistrats d’Arcadie, qui craignaient la reddition des comptes, secondés des Bœotiens et des Éparites du même parti, fermèrent les portes de Tégée et envoyerent au milieu des banquets saisir les principaux d’entre eux. Comme de toutes les villes il était accouru des Arcadiens, tous voulant la paix, on en prit nécessairement un si grand nombre que la commune et la prison furent remplies.

On avait beaucoup de prisonniers ; mais plusieurs s’étaient échappés par-dessus les murs, quelques-uns même par les portes : car ils ne comptaient d’ennemis que parmi les coupables qui redoutaient la rigueur des lois. Cependant l’harmoste thébain et les auteurs de cette tragédie étaient fort en peine de ce qu’ils avaient fait peu de prisonniers parmi les Mantinéens, à qui surtout ils en voulaient et qui, vu la proximité de leur ville, s’étaient presque tous retirés chez eux.

Au point du jour, les Mantinéens, instruits de ce qui se passait, députent vers les villes d’Arcadie, les exhortent à se mettre sous les armes et à garder leurs murs ; ce qui fut exécuté. Ils envoient en même temps à Tégée redemander les détenus ; ils trouvaient injuste qu’on attentât à la vie et à la liberté d’aucun Arcadien : si l’on avait à se plaindre de quelques-uns d’eux, ajoutaient les députés, Mantinée s’engageait à présenter au conseil arcadique tous ceux contre qui on porterait plainte.

Le général thébain, ne sachant qu’opposer à ces représentations, les met tous en liberté, convoque pour le lendemain une assemblée où se trouveraient tous les Arcadiens qui voudraient s’y rendre et leur dit pour sa justificatinn, qu’il a été trompé : on lui avait rapporté que les Lacédémoniens étaient en armes sur la frontière et que quelques Arcadiens devaient livrer la place. Convaincus de la fausseté de cette allégation, ils le laissent ; ils envoient à Thèbes demander sa tête en réparation.

On prétend qu’Épaminondas, alors général thébain, répondit qu’il avait moins failli à les arréter qu’à les mettre en liberté. « Quoi, dit-il, lorsque nous prenons les armes pour votre défense, vous faites la paix sans notre participation ! y aurait-il donc de l’injustice à vous accuser de perfidie ? Apprenez que nous entrerons en Arcadie et que, secondés de ceux qui tiennent à notre parti, nous y porterons la guerre. »


CHAPITRE V.


La nouvelle parvint aux villes et au conseil arcadique. Les Mantinéens et ceux d’Arcadie, bien intentionnés pour le Péloponnèse, comprirent, comme ceux de l’Élide et d’Achaïe, que les Thébains prétendaient épuiser le Péloponnèse pour l’asservir sans peine : « Pourquoi veulent-ils que nous fassions la guerre ? est-ce pour que nous nous entr’égorgions et que leur médiation devienne nécessaire ? Pourquoi ces préparatifs de guerre, lorsque nous déclarons que leur protection nous est inutile ? N’est-il pas clair que c’est contre nous qu’ils se disposent à une campagne ? » Ces peuples envoient aussitôt demander des secours à Athènes : des députés, pris parmi les Éparites, vont à Lacédémone pour l’exhorter à empêcher d’un commun effort toute tentative contre la liberté du Péloponnèse. Quant au commandement, il fut arrêté que chacun l’exercerait dans son pays.

Au milieu de ces événemens, Épaminondas sortit avec tous les Bœotiens, les Eubéens et beaucoup de Thessaliens qu’envoyaient Alexandre et les ennemis de ce tyran de Phère. Les Phocéens ne le suivirent pas, alléguant que leur alliance n’était que défensive, qu’aucun article ne les appelait sous les étendards des Thébains agresseurs. Mais il se persuadait que dans le Péloponnèse il aurait à sa discrétion les Argiens, les Messéniens et ceux des Acarnaniens qui tenaient à son parti, tels que les Tégéates, les Mégalopolitains, les Asthéates, les Palantins, et que les petites villes enclavées parmi eux seraient contraintes de marcher.

Épaminondas se met promptement en campagne : arrivé à Némée, il s’y arrête, dans l’espérance de prendre les Athéniens au passage ;