temps-là ; Myonte pour la bonne chère[1]. Ses parens prétendent que ses os furent apportés dans sa patrie suivant ses dernières volontés, et qu’il fut inhumé dans l’Attique, à l’insu des Athéniens ; car il n’était pas permis de l’enterrer, parce qu’il avait été banni pour crime de trahison. Ainsi se termina la fortune de Pausanias de Lacédémone, et de Thémistocle d’Athènes, les deux hommes de leur temps qui jetèrent le plus grand éclat.
CXXXIX. Voilà quels furent, à la première députation, les ordres que donnèrent et reçurent à leur tour les Lacédémoniens pour les expiations de sacrilèges. Ils revinrent une seconde fois et demandèrent que le siège de Potidée fût levé et qu’Égine fût rendue à ses propres lois. Mais le point sur lequel ils s’expliquèrent d’abord et le plus nettement, fut le décret porté contre Mégare : ils déclarèrent que, s’il était levé, il n’y aurait pas de guerre. Ce décret interdisait aux Mégariens l’entrée des ports dans toute la domination athénienne, et des marchés de l’Attique. Mais les Athéniens n’écoutèrent pas les autres propositions, et ne levèrent pas le décret. Ils accusaient ceux de Mégare de cultiver un champ sacré, qui n’était point marqué par des limites[2], et de donner retraite à des esclaves fugitifs. Enfin les derniers députés de Lacédémone arrivèrent : c’étaient Ramphius, Mélisippe et Agésander. Ils n’ajoutèrent rien à ce qui avait déjà été dit tant de fois, et se contentèrent de répéter que les Lacédémoniens voulaient la paix. « Elle subsistera, disaient-ils, si vous laissez vivre les Grecs sous leurs propres lois. » Les Athéniens convoquèrent une assemblée où tous les citoyens pussent donner leurs suffrages. Il fut convenu d’y délibérer et d’y répondre en une seule fois sur tous les chefs. Un grand nombre de citoyens parlèrent ; les deux opinions eurent des partisans : on disait qu’il fallait faire la guerre, que le décret sur Mégare ne devait pas mettre obstacle à la paix, et qu’on n’avait qu’à l’abolir : enfin Périclès, fils de Xantippe, s’avança ; c’était l’homme qui avait alors le plus d’autorité dans la république, et le plus de talent pour la parole et pour l’exécution. Voici de quelle manière il donna son avis :
CXL. « Je suis toujours du même sentiment, ô Athéniens ; c’est qu’il ne faut pas céder aux peuples du Péloponnèse : non, que je ne sache que les pensées des hommes tournent au gré des événemens, et qu’ils ont toujours plus d’ardeur au moment où ils se déterminent à la guerre que lorsqu’ils y sont engagés ; mais je n’en vois pas moins que je dois persister aujourd’hui dans mon opinion. Je prie ceux d’entre vous qui l’auront adoptée de soutenir, en cas de revers, ce qu’ils auront décrété en commun ; ou si nous avons des succès, de ne pas les attribuer non plus à leur sagesse, car il peut arriver que ce soit aussi bien les conjonctures qui marchent follement que les pensées des hommes : aussi, dans tous les événemens qui choquent nos idées, avons-nous coutume d’accuser la fortune.
« On peut reconnaître que, depuis long-temps, les Lacédémoniens forment des desseins contre nous, et ils sont loin d’avoir changé de dispositions. Vainement a-t-il été convenu que, s’il survenait quelques différends, on les terminerait à l’amiable, sans se dessaisir de ce qu’on aurait entre les mains ; ils ne nous ont jamais invités à faire juger leurs griefs, et ils n’acceptent pas l’offre que nous faisons de nous soumettre à des arbitres. Ils aiment mieux vider la querelle par les armes que par la justice, et ne paraissent maintenant que pour nous donner des ordres, et non pour nous adresser leurs plaintes.
- ↑ Les reines de Perse avaient différentes provinces pour les différentes parties de leur parure : une pour leurs voiles, une autre pour leurs ceintures, etc. (Brisson, De Regno Persarum, lib. i, cap. cviii.)
- ↑ Il s’agissait de la campagne qui séparait Mégare de l’Attique, et que les Athéniens avaient consacrée aux déesses révérées à Éleusis (Cérès et Proserpine). Un champ qui n’est pas marqué par des limites signifie un champ sacré et qu’il n’était pas permis de cultiver ; tous les terrains qu’on cultivait étaient divisés par des bornes.
Les poètes comiques suivent ordinairement les opinions reçues. Il paraît donc qu’on pensait à Athènes, comme le croyaient aussi les Mégariens au rapport de Plutarque (in Pericle), qu’une des principales causes de la guerre du Péloponnèse était celle que rapporte Aristophane : « Des jeunes gens ivres vinrent, dit-il, à Mégare et enlevèrent la courtisane Simæthe. En revanche les Mégariens piqués enlevèrent deux filles qui appartenaient à Aspasie. C’est ainsi que, pour trois malheureuses, la guerre éclata dans toute la Grèce. Dans sa colère, Périclès l’Olympien lança les éclairs, fit gronder la foudre et troubla la Grèce entière. Il porta une loi écrite d’un style de chanson, par laquelle les Mégariens étaient éloignés du marché, de la mer et du continent. Les Mégariens, mourant de faim, implorèrent les Lacédémoniens pour faire lever le décret sur les trois femmes perdues : les Athéniens se refusèrent à des prières plusieurs fois répétées ; et de là le bruit des armes. » (Aristoph. Acharn., v. 523 et suivans.)