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démolie. Nous consentons à faire juger nos différends suivant la teneur du traité, et nous ne commencerons pas la guerre, mais nous nous défendrons contre les agresseurs. »

« Voilà ce qu’il est juste de répondre et ce qui convient à la dignité de notre république. Il faut savoir que la guerre est indispensable ; que si nous la commençons de notre gré, les ennemis pèseront moins fortement sur nous, et que des plus grands dangers résultera la plus grande gloire pour l’état et pour les citoyens. Ce n’est pas avec une puissance telle que la nôtre que nos pères se sont élancés pour arrêter les Mèdes ; mais, abandonnant ce qu’ils possédaient, avec une sagesse supérieure à leur fortune, avec plus d’audace que de force, ils ont repoussé les Barbares, et ont élevé jusqu’à ce haut point de gloire les destinées de l’état. Ne dégénérons point de leur vertu ; employons tous nos moyens pour nous défendre contre nos ennemis, et tâchons de ne pas laisser à nos neveux un empire moins puissant que nous ne l’avons reçu. »

CXLV. Voilà ce que dit Périclès. Les Athéniens regardèrent ses conseils comme les meilleurs qu’ils pussent recevoir, et ils en formèrent leur décret. Ils s’en rapportèrent sur tous les points à son opinion, dans leur réponse aux Lacédémoniens. Ils déclarèrent, en général, qu’ils ne feraient rien par obéissance, et qu’ils étaient prêts, conformément au traité, à faire juger les plaintes que l’on portait contre eux, mais comme des égaux qui transigent avec leurs égaux. Les députés se retirèrent, et il n’en revint pas d’autres.

CXLVI. Tels furent, avant de prendre les armes, les contestations et les différends qui s’élevèrent entre les deux partis ; ils commencèrent dès l’affaire d’Épidamne et de Corcyre. Cependant, au milieu de ces querelles on ne laissait pas de commercer ensemble et de passer dans le pays les uns des autres sans le ministère des hérauts, mais non sans défiance : car ce qui se passait troublait les conventions, et devint le prétexte de la guerre.


LIVRE DEUXIÈME.
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I. D’ici commence la guerre des Athéniens, des Péloponnésiens et de leurs alliés respectifs. Pendant sa durée, ils n’eurent plus de commerce entre eux sans le ministère d’un héraut ; et du moment qu’ils l’eurent entreprise, les hostilités ne furent plus interrompues. Les événemens sont écrits suivant l’ordre des temps où ils sont arrivés, par été et par hiver.

II. La trêve de trente ans, conclue après la prise de l’Eubée, ne dura que quatorze ans. La quinzième année[1], Chrysis étant prêtresse à Argos depuis quarante-huit ans, Ænésius étant éphore à Sparte, et Pythodore ayant encore deux mois à remplir les fonctions d’archonte d’Athènes, le huitième mois après la bataille de Potidée, au commencement du printemps, des Thébains, au nombre d’un peu plus de trois cents, sous le commandement des bœotarques Pytangélus, fils de Philide, et Diemporus, fils d’Onétoride, entrèrent à Platée, ville de Bœotie, qui était alliée d’Athènes. Ce furent des citoyens de Platée, Naucide et ses complices, qui les appelèrent, et leur ouvrirent les portes. Ils voulaient, pour s’emparer eux-mêmes du pouvoir, tuer ceux de leurs concitoyens qui leur étaient opposés, et soumettre la ville aux Thébains. Ils avaient lié cette intrigue avec Eurymaque, fils de Léontiade, qui avait à Thèbes le plus grand crédit. Les Thébains prévoyaient qu’on aurait la guerre, ils étaient toujours en différends avec Platée, et ils voulaient, pendant qu’on était encore en paix, et que les hostilités n’étaient pas ouvertement commencées, s’emparer d’avance de cette place. Comme on n’y faisait pas encore la garde, il leur fut aisé de s’introduire sans être découverts. Ceux qui les avaient mandés vou-

  1. Première année de la quatre-vingt-septième olympiade, quatre cent trente-deux ans avant l’ère vulgaire, 7 mai. Nous suivons toujours Dodwell pour la chronologie de Thucydide.