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Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/69

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accorder à Sadocus, fils de ce prince, le droit de citoyen. Il promit de mettre fin à la guerre de Thrace et d’engager son gendre à envoyer aux Athéniens une armée composée de cavalerie et de peltastes[1]. Il réconcilia aussi Perdiccas avec les Athéniens, en les engageant à lui rendre Thermé. Aussitôt Perdiccas porta les armes dans la Chalcidique conjointement avec les Athéniens et Phormion. Ce fut ainsi que Sitalcès, Térès, roi des Thraces, et Perdiccas, fils d’Alexandre, roi de Macédoine, devinrent alliés d’Athènes.

XXX. Les Athéniens qui avaient monté les cent vaisseaux, et qui se trouvaient encore autour du Péloponnèse, prirent Solium, ville des Corinthiens ; ils ne permirent qu’aux seuls Paliriens, entre tous les Acarnanes, de l’habiter et d’en cultiver les campagnes. Ils prirent de vive force Astacus, dont Évarque avait usurpé la tyrannie, le chassèrent et engagèrent le pays dans leur alliance. Ils passèrent dans l’île de Céphalénie dont ils se rendirent maîtres sans combat : Céphalénie est située en face de l’Acarnanie et de Leucade. Elle renferme quatre cités : celles des Palliens, des Crâniens, des Saméens et des Pronéens. Les vaisseaux d’Athènes s’en retournèrent peu de temps après.

XXXI. Vers l’automne du même été[2], les Athéniens en corps de peuple, tant citoyens que simples habitans, se jetèrent sur la Mégaride. Périclès, fils de Xantippe, les commandait. Les Athéniens qui avaient été en course sur les cent vaisseaux autour du Péloponnèse et qui revenaient dans leur patrie, se trouvaient alors à Égine ; ils apprirent que ceux de la ville étaient à Mégare, firent voile de leur côté et opérèrent avec eux leur jonction. Par cette réunion des Athéniens, l’armée devint très formidable. La république était alors dans toute sa vigueur, et l’on n’y ressentait pas encore la maladie qui ne tarda pas à l’attaquer. Les Athéniens seuls ne formaient pas moins de dix mille hommes pesamment armés, sans compter trois mille qui étaient à Potidée, et l’on ne comptait pas non plus moins de trois mille habitans qui partageaient cette expédition. On avait d’ailleurs un corps nombreux de troupes légères. Ils s’en retournèrent après avoir ravagé la plus grande partie du pays. Ils firent encore chaque année pendant la durée de la guerre plusieurs incursions dans la Mégaride, tantôt seulement avec de la cavalerie, tantôt en corps d’année, jusqu’à ce qu’ils se fussent rendus maîtres de Nisée.

XXXII. Les Athéniens, à la fin de l’été, ceignirent d’un mur Atalante, île auparavant déserte, voisine des Locriens d’Oponte. et ils en firent une citadelle. Leur dessein était d’empêcher que des brigands ne sortissent d’Oponte et du reste de la Locride, pour incommoder l’Eubée : voilà ce qui arriva cet été, après que les Péloponnésiens se furent retirés de l’Attique.

XXXIII. L’hiver suivant[3], Evarque l’Acarnane, qui voulait rentrer à Astacus, obtint que les Corinthiens l’y reconduiraient avec quarante vaisseaux et quinze cents hommes : lui-même soudoya quelques auxiliaires. Les généraux de l’armée étaient Euphamidas, fils d’Aristonyme : Timoxène, fils de Timocrate ; et Eumaque, fils de Chrysis. Ils s’embarquèrent et rétablirent Évarque. Ils voulaient s’emparer de quelques autres endroits de l’Acarnanie, situés sur les côtes ; mais ils ne réussirent pas dans leurs tentatives, et reprirent la route de Corinthe. En côtoyant Céphalénie, ils prirent terre et descendirent dans la campagne de Crané ; ils entrèrent en accord avec les habitans qui les trompèrent, se jetèrent sur eux par sur-

  1. Les peltastes, que les Romains nommaient cetrati, étaient des troupes légères qui tiraient leur nom de leurs petits boucliers appelés peltæ. Ces boucliers étaient échancrés à la partie supérieure en forme de croissant, et avaient, dit Julius Pollux, la figure d’une feuille de lierre
  2. En septembre. Les Grecs ne comptaient alors que deux saisons ; la dernière partie du printemps et la première de l’automne appartenaient à l’été. Thucydide, au commencement de son quatrième livre, fait remarquer que l’on est en été, et il commence le paragraphe suivant par ces mots : Vers la même époque du printemps. Il dit au paragraphe cxvii du même livre : Dès le commencement du printemps de l’été suivant, et au dernier paragraphe : A la fin de l’hiver, lorsque déjà le printemps commençait. Toutes bizarres que puissent paraître dans notre langue ces manières de s’exprimer, j’ai cru devoir les adopter, parce qu’elles tiennent au costume du temps de Thucydide, et que le costume doit toujours être respecté. Les traducteurs se sont trop souvent permis de le changer, et par cette licence, ils donnent aux lecteurs des connaissances fausses ou imparfaites de l’antiquité.
  3. Après le 2 octobre.