Page:Thucydide - Œuvres complètes, traduction Buchon, pp001-418, 1850.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment que se contracta la première alliance entre Athènes et l’Acarnanie. La haine des Ampraciotes contre les Argiens avait pour principe la servitude à laquelle ils avaient été réduits ; et dans la guerre actuelle, ils s’armèrent contre eux avec les Chaoniens et quelques autres Barbares du voisinage. Ils s’approchèrent d’Argos, se rendirent maîtres du pays, et attaquèrent la ville, mais sans parvenir à la forcer. Ils firent leur retraite, et les différentes nations rentrèrent chez elles. Voilà ce qui se passa pendant l’été.

LXIX. Au commencement de l’hiver, les Athéniens envoyèrent vingt vaisseaux en course autour du Péloponnèse. C’était Phormion qui en avait le commandement. Parti de Naupacte, il garda la mer, pour empêcher qu’on ne pût entrer à Corinthe et dans le golfe de Crisa, ni en sortir. On expédia encore six bâtimens pour la Carie et la Lycie, sous le commandement de Mélésandre. Sa commission était d’y lever les tributs, de s’opposer à la piraterie des Péloponnésiens, et d’entraver la navigation des vaisseaux marchands de Phaselis, de Phœnicie et de toute cette partie du continent. Mélésandre fit une descente en Lycie avec les Athéniens et les alliés qui l’avaient suivi ; il fut vaincu dans une action, et y périt lui-même avec une partie de son armée.

LXX. Dans le même hiver[1] les habitans de Potidée ne purent plus supporter les misères du siège. Les incursions des Péloponnésiens dans l’Attique n’empêchaient pas les Athéniens de le continuer : le pain manquait aux assiégés ; ils étaient réduits à la dernière disette, et déjà plusieurs s’étaient mangés les uns les autres. Ils résolurent de se rendre, et entrèrent en conférence avec les généraux ennemis : c’était Xénophon, fils d’Euripide ; Hésiodore, fils d’Aristoclide ; et Phanomaque, fils de Callimaque. Ceux-ci les reçurent à composition, témoins des souffrances de leur propre armée, dans une contrée où l’hiver est rigoureux : d’ailleurs, la république avait déjà dépensé deux mille talens[2] à ce siège. La capitulation portait que les habitans, leurs enfans, leurs femmes et leurs alliés sortiraient de la ville, les hommes avec un seul manteau et les femmes avec deux, n’emportant qu’une somme fixée pour le voyage. Ces malheureux se retirèrent dans la Chalcidique, et partout où chacun put chercher un asile. Les Athéniens firent un crime à leurs généraux d’avoir traité sans leur aveu ; car ils croyaient se rendre maîtres de la ville à discrétion ; ils y envoyèrent une colonie tirée de leur sein, et la repeuplèrent. Ainsi finit la seconde année de la guerre que Thucydide a écrite.

LXXI. Au commencement de l’été[3], les Péloponnésiens et les alliés ne firent pas d’incursions dans l’Attique ; mais ils attaquèrent Platée. Archidamus, fils de Zeuxidamus, roi de Lacédémone, les commandait. Il prit ses campemens, et il se préparait à dévaster les campagnes, quand les Platéens se hâtèrent de lui envoyer des députés, qui parlèrent ainsi : « Archidamus, et vous, Lacêdémoniens, vous vous rendez coupables d’injustice, et c’est une conduite indigne de vous et de vos ancêtres, de porter la guerre dans le pays des Platéens. Quand Pausanias, fils de Cléombrote, délivra la Grèce des Mèdes, avec le secours de ceux des Grecs qui osèrent, dans nos campagnes, s’exposer au danger du combat, il offrit dans le marché de Platée un sacrifice à Jupiter Libérateur ; et, prenant à témoin tous les alliés, il rendit aux Platéens leur ville et leur pays, pour y vivre sous leurs propres lois. Il prononça que si jamais personne s’armait contre eux pour les insulter ou les asservir, les alliés présens leur donneraient des secours en proportion de leurs forces. Voilà ce que nous accordèrent vos ancêtres : c’était la récompensé de notre valeur, et du zèle que nous avions fait paraître dans ces fameux dangers. Et vous, vous faites le contraire. Vous venez avec les Thébains nos plus cruels ennemis, et c’est pour nous asservir. Nous prenons à témoin les dieux de vos pères et ceux de cette contrée, ces dieux qui entendirent alors vos sermens, et nous vous ordonnons de ne point offenser notre pays, de ne point enfreindre les engagemens de vos pères, et de nous laisser vivre dans notre patrie sous nos propres lois, suivant les promesses de Pausanias. »

  1. Seconde année de la guerre du Péloponnèse, troisième année de la quatre-vingt-septième olympiade, quatre cent trente ans avant l’ère vulgaire. Avant le 16 mars.
  2. Dix millions huit cent mille livres.
  3. Après le 16 mars.