Ceux-ci étaient maîtres du reste de leur pays avec les autres Lesbiens, qui étaient déjà venus à leur secours. Les Athéniens n’avaient à eux que peu d’étendue de terrain autour de leurs camps. C’était surtout à Malée qu’était la station de leur flotte et leur marché. Voilà comment se faisait la guerre autour de Mitylène.
VII. A la même époque de cet été les Athéniens envoyèrent aussi trente vaisseaux dans le Péloponnèse. Comme les Acarnanes avaient demandé pour général un des fils ou des parens de Phormion, on en donna le commandement à Asopius son fils. Ces vaisseaux ravagèrent sur leur route la côte de la Laconie ; Asopius en renvoya ensuite le plus grand nombre, et aborda lui-même à Naupacte avec douze qu’il avait gardés. Il fit prendre les armes à tous les Acarnanes, porta la guerre contre les Œniades, et remonta sur ses vaisseaux le fleuve Achéloüs. L’armée de terre dévasta le pays. Mais, comme les Œniades ne se soumettaient pas. il renvoya son infanterie, fit voile pour Leucade, descendit à Nérique, et fut tué au retour, avec une partie de son monde, par les gens du pays, qui se réunirent contre eux, et par des troupes de garnison qui étaient en petit nombre. Les Athéniens finirent par se retirer, après avoir reçu des Leucadiens la permission de recueillir leurs morts.
VIII. Cependant les députés de Mitylène qui avaient été envoyés sur le premier vaisseau allèrent à Olympie[1], où les Lacédémoniens leur avaient dit de se rendre, pour que le reste des alliés pût entrer en délibération après les avoir entendus. C’était l’olympiade dans laquelle Doriée de Rhodes fut vainqueur pour la seconde fois. Après la célébration de la fête ils obtinrent audience, et parlèrent ainsi[2] :
IX. « Lacédémoniens et alliés, nous n’ignorons pas l’usage des Grecs : ils caressent, tant qu’ils en peuvent tirer quelque avantage, ceux qui pendant la guerre renoncent aux alliances qu’ils avaient contractées ; mais ils les regardent comme des traîtres envers leurs premiers amis, et ils les méprisent. Cette façon de penser n’est pas injuste, en supposant que ceux qui se livrent à la défection et ceux qui la supportent avaient les uns pour les autres la même affection, la même bienveillance ; qu’ils étaient égaux en forces militaires et en puissance, et qu’il n’existait enfin pour eux aucune bonne raison de se séparer. C’est ce qui ne se trouvait pas entre nous et les Athéniens. Que personne ne croie donc avoir le droit de nous mépriser parce que nous les abandonnons au moment du danger, après en avoir été bien traités pendant la paix.
X. « En venant implorer votre alliance, nous parlerons d’abord de justice et de vertu, persuadés qu’il ne peut s’établir d’amitié solide entre des particuliers ni aucune communauté d’intérêts entre des villes si ces liaisons ne sont pas fondées sur l’opinion réciproque de leur vertu, et si d’ailleurs il ne se trouve dans leurs mœurs aucune conformité ; car si l’on diffère de pensée, on ne saurait être d’accord sur la manière d’agir.
« Notre alliance avec les Athéniens a commencé lorsque vous vous retirâtes de la guerre contre les Médes, et qu’eux-mêmes restèrent en armes pour détruire les restes de cette guerre. Ce ne fut pas pour soumettre la Grèce au joug des Athéniens que nous contractâmes cette alliance, mais pour la délivrer du joug des Barbares. Tant que dans le commandement ils ont respecté les droits des peuples, nous les avons suivis avec zèle ; mais dès que nous les avons vus se relâcher de leur haine contre les Mèdes, et tendre à l’asservissement de leurs alliés, nous n’avons plus été sans crainte. Cependant, comme trop de peuples avaient droit de suffrage pour que nous pussions agir d’un commun accord, les alliés furent assujettis, excepté nous et les habitans de Chio. Pour nous, restés libres de nom et conservant en apparence nos propres lois, nous avons continué de porter les armes avec les Athéniens ; mais, instruits par les exemples passés, nous ne les regardions plus comme des chefs en qui l’on pût avoir confiance. Il n’était pas en effet vraisemblable qu’ils eussent soumis au joug ceux qui avaient été compris avec nous dans le même traité, et qu’ils ne fissent pas éprouver aux autres le même sort, s’il arrivait qu’ils en eussent le pouvoir.
XI. « Si nous jouissions tous encore de la liberté, nous aurions moins à craindre de leur voir tramer contre nous aucune révolution. Mais, après s’être soumis le plus grand nombre des alliés, ils supporteront plus impatiemment de nous traiter encore en égaux, et de nous voir