Page:Tiercelin - Bretons de lettres, 1905.djvu/206

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pourraient suffire à des agapes juives, tant, une fois cuits, me dit un de mes compagnons, (cela le fit une fois reculer, lui, qui n’est point d’Israël) tant ils auraient l’air de petits enfants.

Et la foule va et vient du pont de Chancors au village, en descendant par la prairie de Babelouse.

Mais voici qu’on me signale à deux kilomètres, au bord de la Vilaine, les ruines de l’ancien château de Çicé et nous partons. Auprès des moulins je me détourne et je regarde une dernière fois la fête.

De là, elle ne détonne nullement dans l’harmonie du paysage. Les bruits nous arrivent atténués, les couleurs adoucies, et c’est très pittoresque, ces blouses d’un vieux bleu lavé, les bâches des voitures d’un vert pâle, les toiles des tentes d’un gris très doux, avec les taches noires des vêtements d’hommes et les points blancs des coiffes de femmes, tout cela encadré en bas par la pelouse d’un vert intense et, là-haut, se fondant en un ciel cendré, semé de la poussière d’or des peupliers. C’est lointain et doux comme un rêve ; c’est mieux, et je sens de nouveau autour de moi toute une émotion de souvenirs que réveille la saison dolente.