Page:Tiercelin - Bretons de lettres, 1905.djvu/284

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sait des luttes. À Scaër, terre classique des bons lutteurs, c’était le moyen de gagner les garçons. Il payait des sonneurs pour faire danser, et, au pays des belles filles, il était sûr ainsi de faire battre tous les cœurs sur son chemin. La nuit même, il était le confident, le fauteur peut-être, des projets de rondes clandestines et de jabadaos mystérieux, interdits par le presbytère.

Aujourd’hui, la danse, qui est autorisée par le clergé aux « pardons » et aux noces, n’est pas tolérée à d’autres fêtes. Au 14 juillet et au mardi-gras, qui sont des « demi-dimanches, » les filles dansent pourtant — et même il est d’usage de mettre, pour ces jours-là, des tabliers de coton neuf — mais elles devront se confesser de leur faute. On ne danse jamais le dimanche.

Du temps de Brizeux on était plus sévère encore. Écoutez-le raconter avec malice un de ces bons tours qu’il s’amusait à jouer à M. le Curé, avec le vent et la neige pour complices.

Cette nuit, un sonneur a mis le bourg en fête.
Son hautbois retentit à vous fendre la tête.
On danse sur la neige et, le long du chemin,
Sont marqués bien des pas qui se verront demain.
Oui, qui seront comptés demain au presbytère,
Là, dans son noir enclos muet et solitaire…