Page:Tiercelin - Ropartz - Le Parnasse breton contemporain, 1889.djvu/37

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HENRI BERNÉS 15

Ne me fuis pas. Car je suis l’heure solennelle
Où, dans l’apaisement du soir silencieux
Parmi les visions dont s’emplit ta prunelle,
La blanche Vérité descend du haut des cieux:

Où semblent s’entr’ouvrir, dans l’air pâle et limpide,
D’étranges profondeurs; où, se sentant ailé,
Ton esprit plus léger rêve un essor splendide,
Une fuite sans fin dans l’abime étoilé.

Tout grandit, au toucher divin du jour qui baisse.
Sur les yeux qu’alourdit l’approche du sommeil,
Ses rayons veloutés mettent une caresse,
Plus douce qu’un baiser à l’instant du réveil.

La paix est une fleur au crépuscule éclose.
Viens. Le repos est bon, même au bout de l’espoir.
Viens à moi. La jeunesse est l’aube ardente et rose;
Moi, je suis le lever de l’étoile du soir. »

MORS, VITA

JE vis la Mort debout dans l’Univers, marchant
Comme le moissonneur que chaque été ramène,
Et qui parfois, couvant du regard son domaine,
S’arrête sur sa faulx pour tàter le tranchant.

Elle riait, son bras implacable fauchant
La profonde forêt des épis lourds de graine,
Et mêlait à son rire une voix surhumaine
Qui semblait un sanglot et qui semblait un chant.