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avant l’amour

m’apprenaient que maman était partie bien loin, pour bien longtemps, pour toujours peut-être. « Où donc ? ma sœur, où donc ? » Hélas ! il est un pays où s’en vont les enfants loin des mères, les mères loin des enfants et d’où les enfants et les mères ne reviennent jamais. Oui, j’avais pressenti la vérité. Maman, ma pâle petite maman aux cheveux noirs, était au ciel, avec Jésus et les anges. De là-haut, elle m’aimait encore, elle me surveillait, elle me parlerait tout bas si je savais l’écouter dans mon cœur. Mais Jésus, le ciel, les anges, tout ce merveilleux mystique dont on entourait pour le voiler et l’adoucir le sinistre mystère de la mort, rien ne pouvait me consoler, soulever le poids qui oppressait ma poitrine et sécher les premières larmes vraies qu’eussent versées mes yeux d’enfant.

Mon parrain m’avait emmenée alors, et les incidents du voyage, la patiente douceur de l’excellent homme avaient distrait mon petit esprit mobile et docile. Un mot de madame Gannerault rouvrait en moi la source des