Aller au contenu

Page:Tinayre - Avant l amour.pdf/194

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
181
avant l’amour

de l’impossible, je substituerais au vertige de l’idéal le vertige de la réalité… Silence au cœur !… Que la nature parle, et l’instinct et la jeunesse. Il est tant d’ivresses différentes, tant de chemins vers l’oubli, tant de voluptés à découvrir. N’est-il pas tout près de moi, l’homme hardi, jeune et fort, qui m’aime ?

Comme elles chantaient faux, les voix naguère harmonieuses ! Ah ! quel instrument, dans la profondeur des ondes sonores, raille les mensonges des poètes, la comédie de la passion qui rit sous les pleurs ?… Juliette est une lourde gaillarde… Roméo semble un coiffeur de province… Qu’ils sont piètres et gauches dans le jardin de fer et de carton !… Et là-bas, dans la loge, au-dessus de la baignoire où s’étale, confiant, l’heureux adultère, Madeleine Larcy et son ingénieur savourent leur chaste amour que l’État, la famille, la tante octogénaire et les beaux cent mille francs étayeront de toutes leurs garanties. Plus loin, n’est-ce pas cette belle madame Aizelin qui, pauvre, s’est vendue à un banquier pourri