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avant l’amour

Jamais nous ne restions seuls ensemble… Une fois, dans les derniers jours de mai, en descendant le chemin creux de la Sablonnière, j’aperçus le jeune homme étendu sous les pins, maniant un journal qu’il ne lisait pas. Je restai immobile, saisie tout à coup d’une émotion où se mêlaient la peur et le désir d’être vue… Maxime en tournant la tête, me reconnut. Il se leva à demi, puis, se ravisant, il resta assis à cette même place où, moins d’un an plus tôt, je lui avais rendu ses baisers… J’étais à dix pas de lui :

— Pourquoi ne passes-tu pas ? me dit-il de sa voix brève.

Je ne répondis rien. Je passai, et quand j’entrai dans le sentier qui s’ouvrait, en face de moi, sous un glissement d’argile rouge, je ne pus résister au désir d’observer Maxime… Il gardait sa pose abattue, les yeux fixés au sol, les traits marqués d’une stupeur triste… Qui l’avait conduit vers la solitude brûlante de ces sables ? Le hasard, la haine, l’amour ?