Page:Tinayre - Avant l amour.pdf/33

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débandait dans une cour plantée de lilas grêles, ces pauvres lilas de Paris étiolés et malades comme des enfants grandis en prison. Alors devant nous fuyaient les moineaux, et les rondes tournoyaient sur des airs très vieux et mélancoliques qui parlaient du beau mois de mai, des marjolaines et des filles de rois prises d’amour… Ah ! nous les chantions légèrement, ces airs qui flottent dans toutes les mémoires, et qu’on sait sans les apprendre, pour les avoir respirés tout enfant dans la simple poésie populaire ! Dans le coin des grandes, où je pénétrai l’année suivante, les conversations, les distractions n’étaient pas à ce point innocentes. Le mystère de l’amour hantait ces filles de quatorze à dix-sept ans, qui mettaient en commun leurs troubles rêveries, leur demi-science, leurs divinations et leurs répugnances. Des lectures hâtives, des phrases entendues, la négligence impudique de certains parents avaient instruit plus d’une ; mais les notions qu’elles avaient reçues, incomplètes ou trop précises, se déformaient dans leur esprit en certitudes aussi