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MÉLITTA.

Si doux que ma bouche flétrie en garde le parfum… Ô ma jeunesse !

EUSTOKHIE.

Mélitta, ma voisine, tu es un peu sorcière, toi aussi. Je t’écoute, je t’écoute… et j’oublie l’heure… Il y a longtemps que la pluie a cessé. Entends les feuilles qui pleurent goutte à goutte. Les arbres secouent leurs chevelures vertes. La colline hausse une épaule blanchâtre entre ses voiles de vapeur, et, par un trou des nuées, le soleil darde une flèche jaune… Sois remerciée, mon hôtesse, pour les figues, pour le lait, pour l’histoire de Sosipatra… Et souviens-toi de mon conseil, quant à l’épouvantail du jardin… Méfie-toi de la colère des moines… Cache bien, sous les hautes herbes, ce banc de marbre… Je jurerai à tout le monde que c’est un banc, un simple banc ! — mais quand nous irons seules, nous, pauvres vieilles, sous les platanes, nous suspendrons à l’autel brisé des couronnes de violettes, en l’honneur des Muses immortelles et de la très sage Sosipatra.