Page:Tinayre - Figures dans la nuit.pdf/31

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Machatès remercia vivement Damostrate et tous deux, se promenant dans le verger, s’entretinrent d’Athènes et de Criton. Quand les ombres des oliviers s’allongèrent sur la terre grise et que les esclaves, après la sieste, se mirent à battre le blé dans l’aire bien unie, un malaise indéfinissable, s’empara de Machatès. Il se sentait, comme la nuit précédente, attirant et attiré, sous l’influence de la Chose qui se confondait en son esprit, avec Philinnion la folle. Malgré lui, il se surprit à toucher du fer, à simuler des cornes avec ses doigts pour écarter le maléfice, ainsi qu’il avait vu faire aux gens du commun, dont il s’était tant moqué. Bien qu’il eût, au fond de l’âme, un désir aigu de s’en aller, il fit l’effort de se moquer de lui-même, et il décida, bravement, de rester jusqu’au lendemain et de voir la suite qu’aurait l’aventure. Il connut aussi que le baiser de Philinnion lui avait mis dans le sang un âcre venin ; et le souvenir de ce corps aux muscles durs, si fin et si froid qu’il avait cru, en l’étreignant, renouveler le mythe de Pygmalion, lui donna une sorte de démence voluptueuse, mêlée d’obscure frayeur.

La nuit le ramena dans sa chambre et, la