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Hellé

mettre dans un pensionnat — si le couvent effrayait mon oncle — puisque M. de Riveyrac était trop occupé, mademoiselle Angélie trop souffrante, pour diriger mes études ?

— Dans un pensionnat ? s’écria mon oncle. Vous voulez mettre cette petite dans une de ces usines d’abêtissement où elle apprendra à rougir, à faire la révérence, à jouer d’ineptes musiques et à dissimuler sa pensée comme une coquette de trente ans ? Je m’y oppose, par droit de tuteur. Hellé restera chez nous. Si notre frère m’avait laissé un garçon, celui-ci n’aurait pas d’autre précepteur que moi-même. À notre petite nièce, un minimum de connaissances suffira, à moins qu’elle ne révèle des aptitudes extraordinaires. Croyez-moi, Angélie, l’éducation doit former des êtres harmonieux. Les esprits sont pareils aux plantes sauvages qui cherchent d’elles-mêmes l’ombre et le soleil qui leur convient.




Il caressa mes cheveux, et une tristesse passa sur son beau visage, qui reproduisait avec une ampleur virile les traits corrects de mademoiselle Angélie.

— Ah ! si tu étais un garçon, petite Hellé ?

Il trahissait le secret chagrin de son existence : j’étais la dernière des Riveyrac. Avec moi, le nom devait disparaître. Tante Angélie conservait bien quelque orgueil nobiliaire, mais l’oncle Sylvain était inaccessible au préjugé. Il songeait seulement que mon sexe restreignait les pouvoirs de sa paternité spirituelle.