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Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/153

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une caresse. Elle disait : « Aimez-moi ! « et plus souvent elle disait : « J’aime. » Tantôt si proche que Clarence tressaillait, effleuré d’un souffle, tantôt lointaine, amortie par la cendre du temps et la pierre du tombeau.

Et cette voix parlait à un homme jeune, ardent, fier de son génie, plus fier encore de son amour, l’homme qui avait créé Parisina et la Symphonie amoureuse, l’homme qui avait fait chanter le vent, les arbres et les eaux, pour la gloire de sa maîtresse endormie.

Mais l’homme assis près du foyer, dans la maison conjugale, l’artiste assagi, l’amant consolé, n’avait rien de commun avec celui qu’avait aimé Béatrice. Il écoutait la voix de la morte comme on surprend un entretien secret, comme on viole la pudeur d’une âme.

Il laissa tomber ses mains sur ses genoux. Les lettres s’éparpillèrent sur le tapis, entre les chenets, et l’une d’elles s’enflamma. Une clarté vive illumina la chambre, tira des ténèbres le portrait de l’Alberi… Alors, comme frappé de démence, le musicien saisit par poignées les papiers, les rubans, les fleurs, le petit soulier ; il les couvrit de baisers furieux, d’acres et brû-