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Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/52

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vivre près d’elle en indifférent subit peu à peu ses suggestions et remplace la recherche désintéressée du beau par l’activité utilitaire.

« Peu importe, pensait Clarence, peu importe à un industriel, à un homme d’affaires, que sa femme soit sensible au succès, au succès seulement… Le succès est le signe de sa valeur professionnelle, et lui-même ne désire que le succès… Mais, pour l’artiste, le succès est une chance heureuse, rien de plus… »

Il se rappelait ses amis d’autrefois ou d’hier, qui s’étaient perdus dans la course au succès. Mariés à des bourgeoises ambitieuses ou à de frivoles mondaines, ils devaient, pour complaire à l’épouse, payer l’hôtel dans un quartier chic, le grand couturier, l’automobile, les réceptions fastueuses. Quand ils se rencontraient, ils ne parlaient que d’argent, de traités, de chicanes avec les directeurs et les éditeurs… Jamais, jamais plus, on ne voyait dans leurs yeux ce reflet de lumière intérieure qui embellit les yeux des jeunes artistes pauvres et inconnus… Les gens « arrivés » n’avaient plus ce brûlant amour de l’art, cet orgueil délicat comme la pudeur féminine, cette probité respectueuse,