Page:Tinayre - L Amour qui pleure.djvu/61

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peu trop gras. Il gesticulait ; il se frappait la poitrine pour attester sa vaillance ; il tendait le jarret, roulant des prunelles et défiant la mort. Clarence exécra ce cabotin dont la voix était belle, pourtant, et qui chantait, avec conscience, sans manquer un dixième de mesure. Il souffrit de le voir, quasi grotesque, si près de la femme agenouillée, la tête entre les mains, la chevelure épandue, le corps noyé dans la pourpre obscure d’une robe couleur de sang séché… Elle découvrit enfin son visage, et, soulevée à demi, les mains tendues vers Ugo, elle le conjura de rester, et promit d’être sienne. Son sein palpitait sous le plissement de la guimpe, dans l’échancrure du velours. Ses cheveux coulaient sur ses tempes à petites ondes légères, presque rousses, et le rubis de la mince ferronnière avivait l’éclat des yeux noirs. L’atmosphère chaude et mystérieuse qui baigne les belles mortes, dans les très anciens tableaux, cette pénombre surnaturelle où rêvent les femmes du Vinci, chaque geste de l’Alberi semblait la créer autour d’elle. Une émanation de beauté, irradiant de son visage, de sa robe, de ses mains, de sa bouche douloureuse, transfigurait, pour un instant, la laideur du décor, la