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dans les vases à fleurs, sous le tapis. Rien. Il retourna dans la salle à manger, recommença son enquête minutieuse. Un morceau de toile, avec une aiguille enfilée piquée dans l’ourlet, était resté sur une boîte à ouvrage. Raymond vida la boîte. Rien.

Il se sentait très las physiquement, mais l’esprit clair et libre. Il monta au premier étage, fouilla la chambre de Geneviève. Il n’était pas ému. Il n’avait pas le temps d’être ému. Il ne trouva pas la lettre et passa dans la chambre voisine. Les robes de Renaude pendaient à des patères de bois verni. Pas de scellés sur la commode. Raymond bouleversa le linge qui remplissait les tiroirs. La commode ne livra pas la lettre. C’est alors qu’il pensa au lit.

Ce lit était préparé pour la nuit, l’édredon rouge bien bombé, le repli des draps bien net, une camisole pliée sur l’oreiller. Raymond arracha les draps, bouleversa l’édredon, les couvertures, le traversin, le matelas et, sous la couette, il découvrit une grosse enveloppe jaune.


Une heure plus tard, il avait tout remis en ordre, dans cette chambre de Renaude, même la camisole sur l’oreiller. Et l’enveloppe, avec les titres et l’argent, était entre la couette et le matelas, où le juge de paix qui ferait l’inventaire aurait la surprise de la trouver. Raymond ne savait pas encore à qui appartenait cette fortune. Il ne soupçonna pas Renaude d’avoir soustrait ces valeurs à la succession, et il ne pensa pas — comme il le fit deux jours après — que la meurtrière était aussi une voleuse.

La lettre seule lui importait. Il la tenait enfin. Il en avait lu les premiers mots. Il ne lirait pas la suite, par piété, par pudeur. Paix à la morte chérie, la seule créature, dans cette triste maison, qui n’eût pas connu la haine ! Paix à son amour défunt !

Raymond jeta la lettre dans le foyer et l’enflamma avec une allumette. Quand tout fut consumé, il ramassa les légers débris noirâtres et, par la fenêtre entr’ouverte, les livra aux vents de la nuit.

Ensuite, il descendit à la chambre bleue. Il se disait :

« Si je m’étais trompé, si elle était vivante !… »

Il voulait être sûr. Mais il ne s’était pas trompé. Renaude Vipreux ne ferait plus de mal à personne.



IX

La découverte de l’argent et des valeurs, après la mort de Renaude, eut un résultat imprévu. Les plus fidèles admirateurs de Mlle Vipreux renoncèrent à la défendre et la tinrent pour coupable d’un détournement qu’elle n’avait pas commis.

Le testament de Capdenat fut cassé, et la succession dévolue aux héritiers légitimes.

Raymond Capdenat n’est jamais revenu à Villefarge. Il a pourtant gardé la maison. Voulût-il la vendre, personne, dans le pays, ne l’achèterait. Elle passe pour hantée. C’est Mélanie l’albinos qui a créé cette légende, et la légende durera longtemps.


FIN