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Page:Tinayre - L Oiseau d orage.djvu/36

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d’infante espagnole, puis sa modestie de provinciale échappée d’un roman de Balzac. Par ce jour orageux qui la pâlissait de vague migraine, elle avait une grâce plus molle, plus aisée, qu’il ne lui connaissait pas. Ses cheveux noirs semblaient mal noués sur la nuque et leur négligence révélait leur richesse ; ses yeux étaient las, mais plus beaux. Demarcys songea à ses anciennes amies du Quartier Latin, si vulgaires, si débraillées dans l’intimité, abîmant de poudre de riz ce qui leur restait de jeunesse vraie… Jamais encore — et il en était humilié — Jean n’avait tenu dans ses bras une femme par lui conquise, une femme de sa race, de son monde, obligée de lui sacrifier une pudeur, des remords, des appréhensions qui ne fussent pas une comédie. Il ignorait l’ivresse de la poursuite et de la victoire et il était certain de ne pas la trouver à Rochefort.

Rochefort… Ce mot évoquait pour lui un triste appartement meublé, des élèves malveillants, des salons qui sentaient le moisi. Il ne fréquentait ni les riches officiers de marine, ni