Page:Tinayre - L Ombre de l amour.djvu/31

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— Ne t’y fie pas. Veydrenne est connu… Tous les gibiers lui sont bons, même le gibier à deux pattes, qui porte jupe…

Le docteur se tourna vers sa fille :

— Le président du tribunal me le disait, l’autre jour : « C’est chose invraisemblable qu’à notre époque une brute comme Veydrenne, un sauvage, puisse terroriser les braves gens, et vivre en marge des lois… Mais les braves gens sont des capons… Ils craignent les rancunes des gueux, et, quand on leur demande de témoigner en justice, ils n’ont jamais rien vu, rien entendu… » Et puis, il y a le père Veydrenne, le « forgeur[1] » de malades, qui jette biset[2] aux chrétiens… Ah ! bêtise humaine !

Fortunade, le visage inexpressif et figé, ne répondait pas.

— Allons ! fit Cayrol. Jeantou t’accompagnera jusqu’à la poste. N’oublie pas le quinquina.

— Merci et adieu, monsieur le docteur… Faut-il que je revienne demain, mademoiselle ?

— Oui. Monsieur Favières arrivera bientôt. Nous serons très occupées. Je tiens à finir ces raccommodages…

Fortunade partit. Cayrol hocha la tête :

Paubra[3] !

Les mots patois lui montaient aux lèvres, spon-

  1. On pose le malade sur l’enclume, entre quatre cierges, et le forgeron-sorcier frappe à côté de lui.
  2. Mauvais sort.
  3. « Pauvre ».