Page:Tinayre - La Chanson du biniou, paru dans Le Monde illustré, 1890.djvu/7

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avaient de grands yeux bleus, aux très longs cils, dans leur figure fine.

La surprise de l’artiste atténua encore davantage la déception du voyageur quand il pénétra dans l’immense cuisine servant à la fois de salle à manger aux clients et de chambre à coucher aux servantes, dont les lits clos étaient dissimulés dans un coin. La vaste cheminée, avec sa noire crémaillère, sa rouge flambée de sarments et la silhouette éclairée à demi d’une femme penchée vers l’âtre, frappa les yeux étonnés du peintre. Les casseroles luisaient dans la pénombre et le double rideau de cretonne et de brume qui voilait les fenêtres tamisait une lumière atténuée, un peu jaune, comme celle dont Téniers et van Ostade laissent filtrer le rayon blême dans leurs intérieurs hollandais. Des gens, assis autour des tables, buvaient du cidre dans des verres épais comme des brocs. Avec leurs grands chapeaux, leurs traits austères, leurs simples attitudes, jusqu’au rapiéçage pittoresque de leurs habits, ils formaient un tableau si original et si complet que la mauvaise humeur du jeune homme se fondit presque en satisfaction. Autour de lui, la mère le Bihan, l’hôtesse, donnait des ordres pour le déjeuner du « Monsieur », les deux servantes se querellaient devant l’âtre et dans l’intervalle des deux tables, les mains encombrées d’assiettes peintes, une grande jeune fille servait.


V


La chambre destinée au « Parisien » était située au premier étage, immédiatement au-dessus de la