Page:Tinayre - La Chanson du biniou, paru dans Le Monde illustré, 1890.djvu/25

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Robert Léris se laissait vivre, étant partout à l’aise, partout écouté, admiré, respecté du respect involontaire que « l’homme éduqué » inspire aux campagnards — respect qui, cette fois, ne se mêlait d’aucune défiance, la mère le Bihan étant conquise avant tous. Mais la coquetterie naïve de Maria-Josèphe, suivie d’un brusque passage à une timidité plus flatteuse encore éveillait un intérêt sympathique dans le cœur de Robert. D’abord, il s’était raillé lui-même sur le sentiment qui le pénétrait, puis il trouva une réelle jouissance à s’y abandonner, sans troubler sa quiétude par des considérations morales ou autres. Bien qu’il fût — plus par mode que par caractère — assez sceptique sur la vertu des femmes, il n’avait jamais parlé à la jeune fille sans le sincère respect qu’on ne feint pas. Où allait-il ? Que voulait-il ? Qu’adviendrait-il de ce caprice d’artiste qui succédait à tant d’autres de genre divers ?… Robert Léris ne le savait pas et ne voulait pas le savoir, se réservant l’imprévu de la surprise et laissant croître dans l’âme virginale de la Bretonne un tout petit germe de rêve qui s’épanouirait vite en fleurs d’amour.


XI


Elle est dans sa chambre, le soir, et elle songe…

Comme le vieux clocher se découpe nettement, sombre sur un fond plus sombre encore ! Comme la