Page:Tinayre - La Chanson du biniou, paru dans Le Monde illustré, 1890.djvu/67

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ses projets d’arrangement dans la maison qui, décidément, était un peu primitive. « Nous ferons ceci, puis cela. » Est-ce qu’il ne fallait pas avoir d’autres sièges ?… On se serait cru chez des vieux… Et puis, elle voulait changer les velours de sa veste, afin qu’il lui fît honneur…

Lui, ravi, parlait, mangeait, riait, avec un gros poids de moins sur le cœur, car c’était sa crainte quand il partait, de la retrouver plus triste. Il l’aimait tellement, tellement, qu’il aurait cassé son biniou pour elle… Et dire qu’il l’avait là, si près, si près, jusqu’à la fin de sa vie, et qu’il osait à peine lui baiser furtivement le front…

Vers la fin du repas, la gaieté de Maria-Josèphe tomba… Tandis qu’elle rangeait les assiettes dans le bahut, Yann s’en alla lentement dans le jardin, avec son biniou de cornouiller, le vieux biniou, son inséparable compagnon, l’interprète éloquent et discret de toutes les émotions de sa vie.

Maria-Josèphe était venue s’appuyer au seuil de la porte. Le soir était proche — un soir d’octobre très doux. Le bleu du ciel verdissait sur le ravin de Kerloquet, rose encore du côté de Carnac avec une grande raie de flamme en bas sur l’horizon extrême. On entendait de-ci, de-là, de petits bruits d’oiseau se blottissant au nid. Les étoiles ne s’étaient pas encore levées.

Une paix infinie tombait du calme firmament sur la campagne labourée pour les semailles d’automne.

Yann s’était assis sur la margelle du puits, regardant le reflet du ciel dans l’eau noire. Puis, tourné