Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/109

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plus grave, l’auberge de la Lune, où nous devons loger, est pleine de monde… Je trouverai une chambre pour moi, mais, toi, ma pauvre enfant, tu ne peux vivre dans un taudis. Laisse-moi partir en avant et préparer notre gîte… D’ailleurs, je suis annoncé… On m’attend…

Je me suis résignée. Papa m’abandonnait. Il ne résistait plus à la séduction de cette Pompéi qui hante ses rêves, dont il parle comme il parlerait d’une femme aimée. Il m’a confiée aux bons soins de donna Carmela, d’Angelo et de Salvatore, et il est parti, pour la gare, en voiture découverte, rayonnant de joie, sous un parapluie considérable, un vrai parapluie de Sylvestre Bonnard que je lui ai acheté moi-même dans un magasin de la Chiaia… Et j’ai compris que vents et tonnerres ne sauraient effrayer un archéologue passionné, parce qu’un archéologue passionné voit surtout dans les paysages les murs croulants, les pots cassés et les vieux cailloux. Papa, vêtu d’un imperméable et coiffé d’une casquette de chauffeur, erre dans les ruelles de Pompéi, sous l’averse qu’il ne sent pas. Si Pompéi était submergée par la mer, il s’y promènerait en scaphandre.

Et me voilà seule, Claude, bien mélancolique, seule dans cette grande chambre d’une somptuosité misérable qui a un plafond peint à