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Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/14

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qu’il rentrera chez lui par la grande rue du Beffroi et la place Sainte-Ursule-et-les-Vierges.

Les gens guettent M. Wallers comme les bourgeois de Kœnigsberg guettaient Emmanuel Kant. La ponctualité de l’archéologue égale celle du métaphysicien. Il tient, dans le quartier, le rôle de ces automates qui surgissent des antiques horloges compliquées, annoncent l’heure par une révérence, font trois petits tours et s’en vont. Quand mademoiselle Hautremont et mademoiselle Broquette voient paraître leur illustre voisin, elles savent qu’il est temps d’allumer le fourneau et de préparer le souper… Six heures !

Mademoiselle Hautremont n’en croit pas ses yeux… Oui, c’est bien M. Wallers qui ouvre, avec lenteur, un parapluie considérable. C’est bien lui, sa haute taille, sa bedaine, sa tête en œuf, ses larges joues couperosées, ses cheveux roussâtres qui blanchissent, son pardessus à col d’astrakan orné de la rosette rouge. Il n’a pas le type conventionnel du savant. Il ressemble à un échevin de Franz Hals, à quelque syndic des drapiers ou des maîtres marchands de toile.

Mademoiselle Hautremont pose son tricot, pique la longue aiguille dans son tour de faux cheveux, au coin de l’oreille, et elle appelle :

— Émilie !… Émilie !

Émilie accourt. Cinquante ans, mi-duègne,