Page:Tinayre - La Douceur de vivre.djvu/153

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une célérité merveilleuses, car il savait tous les « trucs » du métier. Il avait du talent, mais il avait surtout ce que les peintres appellent de la « patte »… Puis cette ardeur tombait tout d’un coup. Angelo bâillait, allumait une cigarette et chantonnait « Capille nire » ou « Luna nova ». Son âme éteinte ne reflétait plus que l’ennui.

Les fins de journée surtout étaient lugubres. Quand les derniers visiteurs avaient franchi les tourniquets, Angelo n’était pas libre de partir en laissant ouverte, derrière lui, quelque maison précieuse. Il devait attendre le custode qui fermerait les portes et les grilles… Parfois, seul dans un petit jardin, il suivait sur les murailles peintes la remontée de la lumière, toujours plus oblique et plus rouge. Bientôt, les crêtes calcinées, les chapiteaux des colonnes, s’empourpraient sur le bleu verdissant du ciel. Les chambres, dont on avait refait la toiture, s’emplissaient d’une ombre inquiétante… Les nymphes des fresques mouraient dans cette ombre, et les amphores de terre cuite, dressées contre la paroi, devenaient de mystérieuses femmes aux longues jambes serrées… Ces amphores troublaient Angelo. Il se rappelait des histoires de goules et de stryges que sa nourrice calabraise lui avait contées dans sa petite enfance. Pompéi païenne est tout imprégnée de péché ; l’eau bénite